Des experts ne sont pas surpris de la somme de 500 millions US déboursée pour l'achat du Canadien.

Cinq cents millions US. C'est beaucoup d'argent pour une équipe de hockey, mais cette transaction record n'étonne pas Michael Rapkoch, un évaluateur financier qui a travaillé pour George Gillett lors de l'achat du Canadien en 2001.

«À 300 millions, j'aurais été surpris. À 600 millions, j'aurais été surpris. Mais à 500 millions, je ne suis pas surpris», dit le président de Sports Value Consulting, une firme du Texas qui a évalué des équipes sportives professionnelles pour une soixantaine de clients au cours des 10 dernières années.

Bien sûr, son ancien client, qui a acheté 80,1% du Canadien et du Centre Bell pour 275 millionsCAN en 2001, fera un profit considérable à la clôture de la transaction, à la fin août. Mais Michael Rapkoch estime tout de même que la famille Molson n'a pas payé trop cher pour l'empire montréalais de George Gillett. «La famille Molson n'a pas payé trop cher, dit-il. Elle a une bonne idée de valeur de l'équipe puisqu'elle s'y est impliquée depuis longtemps et qu'elle connaît bien les dirigeants, des gens de qualité comme le président Pierre Boivin et son bras droit aux finances, Fred Steer.»

L'évaluation financière d'une équipe sportive professionnelle n'est pas une mince tâche, prévient Michael Rapkoch. «C'est plus un art qu'une science», dit-il. Un art qui dépend davantage des revenus et de la capacité d'emprunt de l'équipe que de la simple multiplication des profits comme n'importe quelle société inscrite en Bourse. «Les profits sont importants, mais les acheteurs se basent davantage sur les revenus pour déterminer la valeur d'une équipe, dit Michael Rapkoch. On évalue plusieurs critères, dont la durée des contrats des loges, la demande pour les abonnements, les données économiques générales du marché de l'équipe.»

«Au hockey et au basket, les profits varient trop d'année en année selon la participation de l'équipe aux séries», ajoute Marc Ganis, président de SportsCorp, une firme de Chicago spécialisée dans la consultation sportive.

Selon les deux experts, le meilleur indicateur de la valeur d'une équipe reste sa capacité d'emprunt. Il s'agit en quelque sorte de la valeur attribuée à l'équipe par les institutions financières. «Bien des équipes qui perdaient de l'argent ont été vendues à des prix intéressants parce qu'elles avaient des actifs qui leur permettaient d'emprunter», explique Marc Ganis.

Dans le cas du Canadien, la LNH lui permet d'hypothéquer la moitié de sa valeur (édifice compris). Selon nos informations, le Canadien et le Centre Bell sont hypothéqués à hauteur d'environ 250 millions. Selon ce calcul, George Gillett pouvait espérer obtenir jusqu'à 500 millionsCAN pour son équipe de hockey.

Plus-value

Plusieurs facteurs ont contribué à faire monter les enchères pour le Canadien, qui aurait été vendu pour environ 575 millionsCAN (500 millions US). «Des équipes comme le Canadien de Montréal, qui transcendent leur sport, ne se retrouvent pas souvent sur le marché, dit Marc Ganis. Il y a donc forcément une plus-value pour acquérir une équipe de la trempe du Canadien.»

La concurrence féroce entre BCE et Quebecor dans le secteur des télécommunications a aussi joué un rôle dans les négociations. «Il y a un prix supplémentaire à payer pour empêcher un concurrent d'acheter», dit l'économiste montréalais Pierre Emmanuel Paradis, de la firme Groupe d'analyse.

George Gillett aurait pu obtenir encore plus d'argent pour son équipe de hockey si le marché du crédit ne s'était pas resserré depuis l'été 2007. «Dans un meilleur environnement économique, l'équipe aurait pu être vendue plus cher, dit Marc Ganis. Peut-être même 100 millions plus cher.»

Paradoxalement, l'accessibilité réduite au crédit a été l'une des raisons qui ont forcé George Gillett à se départir du Canadien de Montréal. L'homme d'affaires américain éprouve des problèmes de liquidités avec le Liverpool FC, son équipe de soccer en Angleterre. M. Gillett et son partenaire Tom Hicks doivent renégocier une dette de 350 millions de livres sterling (660 millionsCAN) en juillet.