Montréal doit cesser de se «conter des histoires» et regarder les choses en face: la ville dénombre beaucoup moins de diplômés universitaires que ses concurrentes nord-américaines et ses institutions sont gravement sous-financées.

C'est l'un des constats dressés hier par Marcel Côté, associé fondateur de SECOR Conseil, et Claude Séguin, vice-président principal chez CGI. Ils présentaient une liste de «chantiers» pour sortir la ville du marasme économique, devant la chambre de commerce du Montréal métropolitain.

«Aujourd'hui, les emplois vont où là où sont les gens et non l'inverse, a lancé M. Séguin. Avec un taux de diplômés universitaires équivalent à la moitié de celui de Boston, Washington ou San Francisco, Montréal a une sérieuse pente à remonter pour espérer avoir des revenus équivalents.»

Le taux de diplômés s'établit à 26% de la population à Montréal, comparativement à 31% à Vancouver, 33% à Toronto et 45% à Boston, ont souligné les experts. Une proportion assez faible, considérant que la métropole québécoise se situe au premier rang pour le nombre d'étudiants par habitant en Amérique du Nord.

Sous-financemen chronique

Le sous-financement est chronique, a fait valoir Claude Séguin. Les quatre universités montréalaises reçoivent en moyenne 20% moins de fonds par étudiant que leurs concurrentes canadiennes, si bien que, «cette année, Toronto dépassera vraisemblablement Montréal pour l'attrait de fonds de recherche, nous reléguant au second rang».

Pour réduire l'écart de moitié, Québec doit faire preuve de «courage politique» et dégeler les droits de scolarité pour les ramener au même niveau que la moyenne canadienne, a avancé Marcel Côté. Ils atteignent aujourd'hui 1870$ dans la province, comparativement à 5870$ dans le reste du Canada.

Montréal et l'État québécois doivent par ailleurs attaquer plus vigoureusement le problème du décrochage scolaire, au point d'en être «obsédés», ont insisté les conférenciers. Quelque 32% des gens de 20 ans n'avaient pas de diplôme d'études secondaires à Montréal en 2007.

La question de l'éducation devrait être centrale dans la campagne municipale qui opposera l'actuel maire Gérald Tremblay à l'ex-ministre péquiste Louise Harel (tous deux présents hier). «Si Montréal veut être une ville prospère, le maire doit y penser», a lancé Marcel Côté, en marge de la conférence.

»Cacophonie perpétuelle»

L'autre frein majeur à l'essor économique de Montréal est sa surgouvernance, véritable «cacophonie perpétuelle» qui bloque la prise de décisions, ont martelé les experts. Avec ses divers arrondissements et villes autonomes, la communauté métropolitaine compte pas moins de 101 maires!

Les conférenciers prônent la création rapide d'un groupe de travail indépendant pour réviser les structures de gouvernance de la région. Le comité, formé de gens qui ont occupé des postes «de haut niveau», devrait aussi revoir la structure de revenus de la métropole, trop axée selon eux sur l'impôt foncier.

Marcel Côté et Claude Séguin suggèrent aussi de mieux «prioriser» les dépenses d'infrastructures. Il s'investit en moyenne entre 5 et 7 milliards de dollars en infrastructures chaque année à Montréal, mais pas toujours de la bonne façon.

«Le meilleur exemple, c'est qu'on veut couvrir l'autoroute Ville-Marie pour 300 à 400 millions, mais est-ce que ça devrait être la priorité par rapport au lien ferroviaire vers l'aéroport?» a demandé M. Côté.

Il faut enfin revoir l'ordre d'importance des divers projets et surtout simplifier le processus d'approbation qui décourage de nombreux promoteurs, selon M. Séguin.

«Réaliser un projet d'envergure à Montréal semble relever de l'exploit. En fait, les processus d'approbation correspondent plus à une course à obstacles qui nous fait penser au jeu Échelles et serpents où, après plusieurs étapes, le promoteur, privé ou public, se fait emporter par une longue glissade.»

Marcel Côté et Claude Séguin présentaient hier une «synthèse personnelle» des propositions qui ont émergé d'un congrès sur les grandes villes, organisé il y a un mois par l'Association des économistes québécois.