Les prix à la consommation ont fait un saut de puce de 0,4% en avril dernier, comparativement à avril 2008. C'est le prix des aliments qui tire l'inflation vers le haut puisque, sans eux, l'indice des prix à la consommation aurait reculé de 1,1%.

Que vous regardiez ce qui reste dans votre portefeuille après avoir fait l'épicerie ou le dernier communiqué de Statistique Canada, le constat est le même: les aliments coûtent cher, pas mal plus cher que l'an dernier.

Hier midi, Clément Guérin avait les deux mains dans ses bottes de radis fraîchement récoltés quand on l'a joint. L'augmentation du prix des légumes, ce maraîcher de Sherrington peut vous en parler: le prix de ses radis est en hausse d'environ 2$, variant cette année entre 12$ et 14$ la caisse de 24 bottes.

Et celui de ses oignons ne le fait pas pleurer non plus. «Pour 50 livres, soit 10 fois 5 livres, c'est 14$ livrés à Montréal», explique Annie Riendeau, du groupe Vegco, qui distribue les légumes de M. Guérin. L'an dernier, à pareille date, les mêmes oignons se vendaient entre 6$ et 7$, une «année désastreuse», précise-t-elle.

Hier, Statistique Canada a confirmé ce que bien des Canadiens avaient déjà ressenti: le prix des aliments a augmenté de 7,1% au cours de la période de 12 mois terminée en avril. En mars, c'était 7,9%.

Par produit, ce sont les légumes frais qui augmentent le plus, avec un saut de 26%. Les fruits suivent avec 16,8%. Le prix des produits céréaliers, du boeuf et du poulet est en progression de 9% ou plus.

«Le marché est influencé par de multiples facteurs», explique Frédéric Alberro, du Conseil canadien des distributeurs en alimentation, qui regroupe notamment les grandes chaînes d'alimentation. «Ce ne sont pas les distributeurs qui sont responsables de cette hausse du prix des aliments», tranche-t-il.

Le professeur Sylvain Charlebois, de l'Université de Regina, n'est pas si sûr. «On a là un effet de rattrapage», dit-il.

Jusqu'à présent, ce sont surtout les producteurs qui avaient bénéficié de la hausse des denrées, poursuit-il. Les distributeurs et les détaillants s'étaient retenus, en absorbant eux-mêmes une partie de la hausse, ce qui a rogné leurs marges bénéficiaires. Aujourd'hui, la situation a changé: «Les distributeurs et les détaillants savent que le marché est capable de prendre cette hausse-là», explique encore M. Charlebois.

Mais le professeur n'a pas l'impression que l'inflation va durer, étant donné que le prix des commodités s'est stabilisé et que le dollar canadien a pris du mieux, réduisant du même souffle le prix des denrées importées. Bref, mieux vaut attendre et ne pas faire ses conserves en fin de semaine!

Pour lui, une légère hausse des prix est d'ailleurs souhaitable. «Si on veut une alimentation pas trop cher à long terme, il faut que le prix des denrées augmente à court terme de façon modérée.»

Pourquoi? Parce qu'une augmentation des prix permet aux producteurs de dégager des bénéfices qui, idéalement, leur permettent d'investir et de devenir plus productifs tout en offrant des produits sûrs.

Et il offre cette donnée: en une génération, le pourcentage du revenu des Canadiens qui va à l'alimentation est passé de 25% ou 30% à seulement 10% actuellement. «On a marginalisé l'alimentation.»

Un baume pour les agriculteurs?

Si les agriculteurs ont profité d'une hausse des prix depuis l'an dernier, à l'Association des jardiniers maraîchers du Québec, on ne s'attend pas à des hausses importantes pour la récolte présentement en terre. Une hausse, de toute façon, qui ne se retrouve pas nécessairement dans leur colonne des profits, explique le président de leur association, André Plante.

«L'impact du coût de l'énergie, ce n'est pas juste le transport», dit-il. Et M. Plante y va de sa liste: coût des semences, du chauffage des serres ou des boîtes cirées à base de pétrole. D'autres producteurs ont aussi parlé du salaire minimum, qui a grimpé à 9$ en mai au Québec. La main-d'oeuvre coûte donc plus cher.

En tout, le maraîcher Clément Guérin estime qu'il lui en coûte environ 1$ de plus pour produire chaque caisse de radis cette année.

Et puis, il y a cette foutue météo qui, après un mois d'avril prometteur, pourrait décider de se liguer contre eux et, indirectement, les consommateurs de légumes. Déjà, les producteurs du New Jersey, avec qui ceux du Québec sont en concurrence, se le sont fait rappeler dernièrement. «Il a plu pendant sept jours là-bas...» souligne M. Guérin.

C'est le prix de ses légumes qui pourrait s'en ressentir, à la hausse évidemment.

Hausse des prix des aliments en avril (sur une période de 12 mois)

Légumes frais: 26%

Fruits frais: 16,8%

Produits céréaliers: 9,6%

Boeuf: 9%

Poulet: 9%

 

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