Le financier milliardaire Stephen Jarislowsky a lancé un pavé dans la mare, jeudi, en tombant à bras raccourcis sur la loi québécoise qui impose graduellement la parité hommes-femmes dans les conseils d'administration des sociétés d'État.

«Vous allez me trouver terriblement sexiste, mais je suis très opposé à (cette) idée du gouvernement», a lancé le fondateur de la firme de placements Jarislowsky Fraser au cours d'une allocution prononcée devant le Cercle de la finance internationale de Montréal.

«Dans la mesure où ces femmes n'ont pas la compétence ou l'expérience, je ne pense pas qu'elles servent à grand-chose dans un conseil d'administration, hormis que d'un point de vue politique, c'est acceptable et que ça peut faire gagner quelques votes, a-t-il ajouté. Mais je ne pense pas que des votes et de bonnes politiques soient la même chose.»

En point de presse après le discours, Stephen Jarislowsky en a rajouté.

«Parce qu'elles élèvent des enfants, c'est beaucoup plus difficile (de devenir de bonnes administratrices): elles n'ont pas vécu toute leur vie dans cette sorte de culture, elles viennent de l'extérieur, a-t-il lancé. (...) Il y a quelque chose qui manque, c'est cette compétence industrielle. Il faut connaître la concurrence, il faut connaître la culture, il faut connaître toutes sortes de choses économiques, les finances.»

L'homme de 83 ans a assuré qu'il était en faveur de la parité en autant que les membres des conseils d'administration fassent preuve de curiosité, de courage et de compétence, les trois qualités essentielles pour accomplir ce travail, selon lui.

«Si vous êtes une petite femme qui a l'impression qu'elle (en) connaît tellement moins que les autres, qu'est-ce qu'elle va dire, qu'est-ce qu'elle va faire, qu'est-ce qu'elle va apporter pour vraiment élever la compétence du conseil? a-t-il lâché. Et je ne parle pas contre les femmes: ça se peut aussi que ce soient des hommes qui ne fassent pas leurs devoirs.»

Caisse de dépôt

Dans la même veine, le célèbre investisseur, qui n'en est pas à ses premiers propos controversés, s'est prononcé sur les déboires de la Caisse de dépôt et placement du Québec, laquelle a enregistré des pertes de 40 milliards $ en 2008.

«Il y avait là deux ou trois très bons administrateurs, a-t-il estimé (le conseil d'administration comptait une dizaine de membres en 2008). Ils ne se sont pas fait entendre par le reste. Il y avait trop de gens qui étaient au conseil et qui n'avaient ni le courage, ni la curiosité, ni la compétence pour reconnaître les risques et pour vraiment connaître ce qu'il y avait autour de la Caisse.»

On trouve actuellement cinq femmes au conseil d'administration de la Caisse, dont la présidente de la CSN, Claudette Carbonneau, et Christiane Bergevin, vice-présidente chez SNC-Lavalin [[|ticker sym='T.SNC'|]], qui était assise à la table d'honneur du Cercle de la finance internationale, jeudi.

Au cours d'un entretien téléphonique avec La Presse Canadienne, Mme Bergevin a soutenu que M. Jarislowsky avait «droit à ses opinions». Elle a toutefois souligné qu'il y avait, à son avis, «beaucoup de femmes compétentes» aptes à siéger à des conseils d'administration au Québec.

M. Jarislowsky a longtemps siégé au conseil d'administration de SNC-Lavalin et sa firme détient 17 pour cent des actions du géant montréalais de l'ingénierie.

Le gourou a par ailleurs estimé, jeudi, que la récession n'était «pas terminée», malgré l'amélioration de la situation financière des banques et l'embellie boursière des dernières semaines. À ses yeux, les ménages sont encore trop endettés, une situation aggravée par les faibles taux d'inflation.

Quant à la façon de sortir de la crise et d'éviter qu'elle se reproduise, Stephen Jarislowsky ne voit pas de solution miracle à part d'améliorer la gouvernance des entreprises, de créer une commission pancanadienne des valeurs mobilières et de resserrer la réglementation. «La nature humaine ne change pas», a-t-il déploré.