Avec le vieillissement de la population, Québec devra revoir son programme de rentes - réduire les bénéfices aux futurs retraités ou augmenter les cotisations. «Ce sera probablement un mélange des deux», a expliqué hier André Trudeau, président de la Régie des rentes, venu témoigner devant la commission parlementaire sur les pertes de la Caisse de dépôt en 2008.

La Régie des rentes a vu sa réserve fondre de 9 milliards de dollars (26,4%) en 2008 en raison des mauvais résultats de la Caisse de dépôt et placement (CDP). Ce résultat est l'un des pires parmi les déposants à la CDP. La Régie des rentes du Québec (RRQ) planifie à long terme et est ainsi amenée à prendre davantage de risques, «c'est ce qui nous a joué un tour», expliquait hier, en fin de journée, M. Trudeau.

Se faisant rassurant, il insistait hier sur le fait que «cette perte ne menace pas le versement des rentes aux bénéficiaires de la Régie, ni aujourd'hui ni pour plusieurs années». Même si les avantages du régime de rentes étaient réduits pour stopper l'hémorragie quand les baby-boomers vont déferler vers la retraite, ceux qui sont déjà prestataires ne verront pas leurs avantages changer. Il en ira tout autrement pour ceux qui prendront leur retraite après la prochaine révision du régime, prévisible en 2011.

M. Trudeau, qui siège aussi au conseil d'administration de la Caisse de dépôt, souligne qu'une perte «aussi considérable, de 9 milliards de dollars pour la réserve de la RRQ, aura des répercussions, nous en sommes bien conscients. Il faudra plusieurs années de bons rendements pour retrouver ce montant».

Déjà, la Régie avait prévu une hausse aux taux de cotisation, «et la crise boursière va nous amener à faire des projections différentes», a admis le mandarin hier. Sur le long terme, la Régie a toujours un rendement de 8,5% de ses fonds à la CDP. Un niveau de 7,2% est nécessaire au maintien du régime.

Mais à partir de 2010, la Régie devra commencer à gruger ses revenus de placement pour payer les rentes.

La réserve à sec, 15 ans plus tôt

Hier, la députée péquiste de Crémazie, Lisette Lapointe, a rappelé que si rien n'était fait, au rythme prévisible des retraites des baby-boomers, la réserve de la Régie serait vidée en 2037. La crise de 2008 a rapproché cette échéance, théorique, de 15 ans, a-t-elle soutenu, rappelant une étude de l'institut CD Howe sur les perspectives actuarielles de la RRQ.

Pour M. Trudeau, tenir compte des pertes forcerait une hausse des cotisations de 9,9% à 11%. CD Howe avait fait le calcul. Actuellement 9,90$ sont prélevés sur chaque 100$ de salaire. Un document de réflexion du gouvernement, lancé au printemps 2008, suggérait de hausser le taux à 10,40$, mais, avec la crise, cela risque de ne pas être suffisant. Il faudra hausser davantage, a convenu M. Trudeau hier, échangeant avec quelques journalistes.

Le régime québécois des rentes n'est pas totalement capitalisé. S'il l'était, il faudrait hausser à 20% les cotisations, une hérésie du point de vue économique. Il s'appuie sur la solidarité entre les générations, qui pousse les décideurs d'aujourd'hui à faire en sorte que les générations à venir n'aient pas à porter une part inéquitable du fardeau, a-t-il expliqué.

Pour lui, une hausse à 11% de cotisation - évaluée par CD Howe -, serait difficile à accepter pour l'économie et il faudra vraisemblablement se tourner aussi du côté des avantages du régime. Ces propos, publiés sur Cyberpresse, ont suscité une réaction immédiate de l'ancien chef adéquiste Mario Dumont. «Je disais exactement la même chose en campagne électorale et les libéraux m'accusaient d'être malhonnête», a lancé M. Dumont.

Parmi les moyens qui s'offrent, reconnaît André Trudeau, on peut reculer l'âge où on peut réclamer des prestations - 60 ans actuellement. C'est la voie choisie par certains régimes pour les fonctionnaires en France. Selon Herman Huot, porte-parole de la Régie, on pourrait penser aussi réduire la rente au conjoint survivant. En janvier dernier, on a aussi permis des prestations à des gens qui travaillent - 10 millions de plus de décaissements.

Toutes ces formules seront discutées dans le cadre d'une consultation qui aura lieu à partir de l'automne prochain, ont insisté MM. Trudeau et Huot.

Choix de Michael Sabia

Plus tard, M. Trudeau, qui siège aussi au conseil d'administration de la Caisse et faisait partie du comité de sélection du président, a souligné que le président du conseil, Robert Tessier, avait rencontré Michael Sabia, pour présider la Caisse, avant même que son nom soit soumis au comité chargé de choisir le nouveau président.

Le comité a aussi appris à ce moment qu'un nouveau membre du conseil, Me Jean-Pierre Ouellet, «connaissait bien M. Sabia», celui que le comité allait «choisir» quelques heures plus tard pour diriger la CDP.

«Il y avait une question de disponibilité des candidats, il y avait aussi une certaine urgence de trouver un PDG, c'est des facteurs qui ont beaucoup influencé. On était en crise, il faut un capitaine pour mener le bateau, quelqu'un par intérim ne prend pas toujours les décisions. Il fallait agir... et on a agi», a expliqué M. Trudeau.

Plus tôt, l'ancien patron du Mouvement Desjardins, Alban D'Amours, était venu témoigner, donnant sa version des événements sur la gestion de la Caisse de dépôt - au sein du conseil d'administration, il était responsable du comité de suivi du risque. Comme les dirigeants de la Caisse mardi, il a souligné que la Caisse n'avait pas pensé à évaluer la valeur totale des papiers commerciaux qu'elle détenait, et s'était contentée de vérifier qu'elle n'avait pas trop acheté auprès de chaque émetteur. Aussi, a-t-il souligné, la différence entre papiers commerciaux bancaires et non bancaires n'avait jamais été soulevée avant la crise d'août 2007 - finalement seules les banques ont couvert les titres qu'elles avaient émis, la Caisse s'est retrouvée avec 13 milliards de créances douteuses.

Le comité responsable d'analyser le risque au conseil d'administration disposait de toutes les données nécessaires. «On nageait dans une mer de chiffres», a-t-il lancé. Il a été visiblement piqué quand, en point de presse, il s'est fait demander s'il était justifié d'avoir doublé la valeur des jetons de présence aux membres du conseil d'administration devant des rendements aussi catastrophiques.

Selon M. D'Amours, la rémunération des administrateurs n'a pas joué dans la décision d'acheter ces produits toxiques. Le responsable des achats de papiers commerciaux à la CDP avait déjà atteint sa prime maximale. Il a été depuis congédié.