Des décors refaits, des indications claires pour vous suggérer quel vin boire avec tel plat et, en prime, une station pour déguster sur place la meilleure des bouteilles: les investissements de la SAQ ont un tel effet que le monopole d'État prévoit hausser son dividende de trois millions au gouvernement l'an prochain, récession ou pas.

Lyne Rodrigue nous donne rendez-vous au Carrefour Candiac, à l'intersection des autoroutes 15 et 30, bien loin de l'ambiance des grandes caves et des vignobles centenaires. Ici, dans ce qui a encore l'air d'un ancien champ bétonné, la directrice du développement immobilier de la Société des alcools nous présente son bébé, la SAQ nouveau genre.

 

Pour créer cette SAQ au goût du jour, la direction a d'abord fait ce constat: que les clients soient de petits ou de grands consommateurs, tous veulent en savoir davantage sur les produits qu'ils achètent. «On cherchait à aider le client», explique Mme Rodrigue.

De l'aide? On va jusqu'à leur faire goûter le vin! Ainsi, les consommateurs peuvent s'offrir 30 ml (une toute petite once) de plusieurs gammes de vins.

À Candiac, par exemple, les distributeurs réfrigérés offrent 16 choix, dont une bouteille de Tyre Madiran 2000 à 115$. Pour moins de 5,65$, on peut s'en offrir un fond de verre.

«Je vois des gens qui viennent tous les week-ends», souligne Serge Rousseau, en expliquant le fonctionnement des machines. La formule est simple. On achète une carte à puce qu'on charge de la valeur voulue à la caisse, on l'insère dans le distributeur et hop! le tour est joué.

«Les vins qui fonctionnent le plus, ce sont les plus chers», souligne encore M. Rousseau.

Faites un petit calcul, et vous constaterez que la SAQ hausse son profit de 26,25$ sur la bouteille de Tyre. «En deux ans et demi, les machines sont payées», dit la directrice du développement immobilier.

À côté des distributrices, on a même installé une station internet où les clients qui veulent en savoir plus sur les vins qu'ils viennent de déguster peuvent parfaire leurs connaissances.

Des pastilles colorées

L'aide aux clients prend aussi la forme de petits cercles, huit pastilles de différentes couleurs qui permettent aux clients de trouver facilement les vins qui se marient le mieux avec les plats qu'ils mangeront. Pour le magret de canard, il faut chercher la pastille bordeaux. Pour la salade de fruits, c'est la pastille vert pâle. La rondelle est apposée sur les étagères. D'ici à la fin de l'été, même les vieilles succursales de la SAQ verront arriver les pastilles.

On a aussi créé des fascicules que les clients peuvent apporter à la maison. Un peu plus et on boirait le vin pour vous!

La SAQ a aussi réduit le clivage entre la section des produits courants et celle des produits «de spécialité», qui se limite à un éclairage différent... et à la disparition des pastilles. Ici, on a affaire à des connaisseurs. «Avant, les gens étaient intimidés, ils ne se rendaient pas dans la section Spécialité», souligne Mme Rodrigue.

Exit, donc, le bois qui fait chaud et riche. On veut que les gens aient le courage de toucher aux bouteilles et, idéalement, qu'ils en rapportent une ou deux chez eux.

Les gens pressés

Dans les SAQ Sélection, les clients passent de 30 à 45 minutes avant de repartir avec leur nectar hebdomadaire ou celui qu'ils enverront vieillir dans le cellier. On est à des années-lumière des trois ou quatre minutes nécessaires aux achats dans les SAQ Express.

N'empêche, les SAQ Sélection ont désormais aussi leur section pour gens pressés. Les concepteurs ont créé un étalage simple où on trouve trois catégories de vins: plus de 15$, moins de 15$ et environ 15$.

La sélection des vins est faite moitié par les conseillers de la SAQ, moitié par l'équipe marketing, qui a placé ces vins dans sa circulaire. «Nos employés demandent de la flexibilité», souligne Mme Rodrigue.

Jusqu'à présent, 33 des 414 succursales de la SAQ ont eu droit à ce lifting. La réponse des clients? Mme Rodrigue cite des chiffres de la SAQ Sélection de Saint-Jérôme. Avant, la valeur du panier moyen était de 52,24$. Après le changement: 56,17$, un bond de 7% en quatre mois, par rapport à la même période l'an dernier. Ailleurs, «c'est dans les mêmes eaux», note-t-elle, même si le prix du panier moyen est moins élevé.

Ces nouvelles succursales on un coût: 12,5 millions cette année, contre 5 millions l'an dernier. Plusieurs baux arriveront à échéance dans les trois prochaines années, explique la chef de l'immobilier. La SAQ profite souvent de la fin d'un bail pour rénover ses magasins ou les déménager.

 





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Pas forts sur le «fort»

Les Québécois aiment le vin, mais ils ne sont pas portés sur le «fort». Et le nouveau concept de la SAQ ne leur donne pas envie de boire davantage de spiritueux.

«On n'a pas senti de croissance jusqu'à maintenant», dit Mme Rodrigue, en parlant des ventes de spiritueux. Et ce n'est pas faute d'avoir essayé.

Dans les nouvelles succursales, les spiritueux sont placés au tout début, à droite de l'entrée, quand «les paniers ne sont pas encore pleins».

Selon le rapport annuel de la SAQ, les Québécois sont les moins grands consommateurs de spiritueux au Canada: à peine 4 litres par année, contre 7,6 litres d'un océan à l'autre, en comptant le Québec qui fait baisser la moyenne canadienne.

Si le nouveau design ne permet pas de vendre plus de scotch, il a une incidence sur les coûts de la SAQ. En redessinant ses installations, la société d'État a choisi un mobilier semblable pour ses trois bannières (Express, SAQ et Sélection). «C'est du standard partout, explique Mme Rodrigue. On voit des économies dans les coûts d'ébénisterie.»

Les économies sont évaluées à 10%, soit 350 000$ par année.