Des tournois de golf, des soupers-bénéfice, des galas: voilà certaines des façons privilégiées par les démarcheurs la Banque Stanford internationale d'entrer en contact avec des clients fortunés du Québec.

Au cours des deux dernières années, la banque accusée de «fraude massive» a notamment commandité le tournoi de golf de la Fondation Charles Bruneau, a appris La Presse Affaires. Cette fondation, qui recueille des fonds pour les enfants atteints du cancer, tient son tournoi annuel au Club Le Mirage, à Terrebonne, propriété de Céline Dion et de René Angélil.

 

Au dernier tournoi, en septembre, Stanford a versé 4000$ de commandite pour voir son nom et son logo affiché sur chacune des voiturettes du tournoi. L'institution a également versé 2500$ pour les frais du quatuor de joueurs qui l'ont représentée, nous a confirmé Rébecca Dumont, porte-parole de la Fondation.

L'événement a comme principal commanditaire Bell Canada (20 000$), mais également Iris (6000$), Ivanhoé-Cambridge (3000$) et une demi-douzaine d'autres entreprises. La Fondation n'a pas placé d'argent dans la Banque, nous certifie Mme Dumont.

La Banque Stanford a également été présente dans des événements liés à HEC Montréal, au cours de la dernière année. Au fameux Gala du commerce, qui honore les 12 hommes d'affaires du mois de la revue Commerce, la banque a acheté six billets de 1000$. Le premier vice-président de la Banque Stanford à Montréal, Alain Lapointe, était présent à cette réunion du gratin du monde des affaires.

M. Lapointe, diplômé de HEC en 1972 (bac) et 1985 (MBA), a été nommé à la tête de la succursale montréalaise de la banque à la fin de 2004. Il est membre du conseil de l'Association des diplômés HEC, qui recueille des fonds pour l'école.

Alain Lapointe est qualifié d'«homme gentil et très dévoué» envers les HEC par la porte-parole, Kathleen Grant. Celui qui est passé par la Banque Royale et la firme Computershare avant de se joindre à Stanford a également organisé un autre événement pour HEC Montréal, cette fois pour le Bureau de développement.

Il était l'un des cinq membres du comité organisateur du Tournoi de golf bénéfice de HEC. La Banque Stanford y commanditait l'un des trous de golf. Pour participer au tournoi, qui a eu lieu au club de golf de la Vallée du Richelieu, chaque joueur devait verser 625$.

Libre comme l'air au Canada

Paradoxalement, la banque ne semble soumise à aucune réglementation au Canada, même si elle y vend des produits financiers, nommément des certificats de dépôt.

À l'Autorité des marchés financiers (AMF), la directrice générale du contrôle des marchés, Nathalie Drouin, dit ne pas avoir juridiction, puisqu'il s'agit d'une banque, de juridiction fédérale. Les certificats de dépôts ne sont d'ailleurs pas des valeurs mobilières, dit Mme Drouin.

Au Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF), on nous indique que les employés de l'institution sont libres de faire ce qu'ils veulent, pour autant qu'il n'y ait pas de «transaction bancaire comme telle» en sol canadien.

La banque s'est enregistrée en 2004 au BSIF à titre de bureau de représentant d'une institution étrangère. Le porte-parole du BSIF, Jean-Paul Duval, précise que la succursale peut faire au Canada la promotion des produits, distribuer les feuillets de rendements mensuels et faire la liaison avec la société mère. Une transaction avec la société mère par courrier? Pas de problème, selon M. Duval.

Une source montréalaise qui a été approchée par Stanford soutient que les représentants touchent une commission équivalant à 3% des certificats de dépôt qu'ils vendent. Au BSIF, on nous indique ne pas s'attarder au mode de rémunération des représentants.

Cette source dit aussi avoir été sollicitée comme client et avoir assisté à des conférences à laquelle participaient des hommes d'affaires fortunés. Elle dit connaître trois investisseurs québécois qui auraient acheté l'équivalent de 1,2 million de dollars de certificats de dépôt.

Toutes les communications écrites de la banque ont été transmises à cette source au cours des derniers mois. Entre autres, le 12 février, cette personne a reçu la lettre que le président en personne, Allen Stanford, a fait parvenir à ses milliers de clients pour les rassurer, le lendemain de la publication d'un article dans un magazine américain.

«Le personnel de l'agence de réglementation a visité nos bureaux et a soutenu qu'il s'agissait d'examens de routine (...). Je veux être très clair: la banque demeure une institution forte», a-t-il écrit aux clients.

Quatre jours plus tard, la banque était mise sous tutelle par la SecuritiesandExchange Commission et accusée de fraude massive. Quelque 8 milliards US de certificats de dépôt ont été vendus avec des rendements irréalistes, selon la SEC.

Alain Lapointe ne figure pas dans l'acte d'accusation. Hier, il ne voulait toujours pas parler à La Presse Affaires.