Les temps sont durs pour les créateurs et inventeurs du Québec qui tentent de bâtir les entreprises de demain. Le capital-risque investi dans leurs idées n'a atteint que 349 millions de dollars en 2008, la pire performance depuis 1996.

«Avec les nouvelles économiques qu'on voit aux États-Unis et au Canada, ça aurait été surprenant qu'on vous annonce des résultats extraordinaires aujourd'hui», a annoncé d'entrée de jeu Kirk Falconer, directeur de la recherche, investissement privé, chez Thomson Reuters, la firme qui a compilé les données.

 

Le président de Réseau Capital, l'association du capital-risque au Québec, a qualifié la situation «d'alarmante». «On ne s'attend pas à une reprise significative avant 2010», a dit François Chaurette, qui croit que nombre d'entreprises en démarrage ne traverseront pas le désert.

Difficile de dénicher de bonnes nouvelles dans les chiffres présentés hier. Les investissements en capital-risque ont dégringolé de 46% au Québec en 2008 par rapport à un an auparavant (comparativement à des baisses de 36% dans l'ensemble du Canada et de 8% aux États-Unis).

Les Américains, qui se faisaient de plus en plus présents dans les entreprises québécoises depuis trois ans, ont soudainement plié bagage. Leurs investissements ont chuté de 62% pour atteindre leur plus bas niveau en cinq ans.

Le hic, c'est que «les investissements étrangers sont cruciaux pour conclure des grosses transactions au Québec», a expliqué Kirk Falconer, de Thomson Reuters. En 2008, seule la biotech montréalaise Gemin X Pharmaceuticals a décroché un magot vraiment important, raflant 38 millions de dollars d'un consortium d'investisseurs dirigé justement par un fonds américain.

Le démarrage délaissé

Les entreprises en début de croissance ont été particulièrement affectées par les baisses de financement. Malgré le contexte difficile, les entreprises en stade avancé ont même réussi à rafler 50% plus d'argent que l'an dernier. À l'autre bout du spectre, les boîtes en démarrage voyaient leurs fonds s'effriter de 30%, tandis que celles en début de croissance encaissaient une baisse de 70%.

«Le problème, c'est qu'il faut financer les entreprises en démarrage aujourd'hui si on veut avoir des entreprises en stade avancé dans quelques années», dit François Chaurette, président de Réseau-Capital.

Une biotech comme Alethia, qui travaille à découvrir de nouveaux médicaments contre le cancer, subit de plein fouet ces baisses de financement. Après fait une série de découvertes prometteuses, la boîte montréalaise cherche maintenant 20 millions de dollars pour tester ses produits sur des patients.

«Les entreprises cotées en Bourse ont tellement perdu de valeur qu'elles deviennent soudainement très intéressantes pour les fonds de capital-risque américains, explique le président, Yves Cornelier. C'est une nouvelle concurrence qui fait que les entreprises comme nous sont un peu délaissées.»

M. Cornelier avoue avoir déjà des «plans de contingence» à appliquer s'il ne parvient pas à dénicher le financement. Il espère aussi pouvoir vendre des licences sur certains de ces produits à des entreprises plus grandes pour aller chercher de l'argent.

Les entreprises en sciences de la vie ont été les grandes perdantes de la cuvée 2008, encaissant une dégringolade du financement de 56%. Les entreprises du secteur technologique s'en sont mieux sorties avec une baisse de 25%.

Frank Béraud, directeur aux politiques et développement stratégique chez Bioquébec, a rappelé hier que les deux tiers des entreprises de biotechnologies québécoises n'ont pas assez d'argent pour survivre un an, et que 25% en ont à peine assez pour tenir trois mois.

Le seul signe positif provient des fonds privés canadiens, qui se sont moins retirés du marché que les autres (baisse de 26% en 2008). M. Chaurette espère qu'ils pourront profiter du retrait des fonds américains pour dénicher de meilleures occasions d'investissement et prendre de l'importance dans le paysage du capital-risque au pays.