La ministre des Finances Monique Jérôme-Forget souhaite que son gouvernement revienne sur sa décision et permette à nouveau à son sous-ministre de siéger au conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement.

Mme Jérôme-Forget a affirmé, lundi, qu'elle recommandera au premier ministre Jean Charest de réserver un poste d'administrateur au sous-ministre des Finances, une responsabilité abolie par les libéraux il y a plus de quatre ans.

«Est-ce que le sous-ministre des Finances devrait siéger au conseil d'administration? C'est clair que pour moi ça va être une recommandation que je vais faire justement au premier ministre», a-t-elle dit lors d'une entrevue à la radio de Radio-Canada.

Mme Jérôme-Forget a aussi laissé entendre qu'elle souhaitait des resserrements afin que les risques reliés aux activités d'investissement de la Caisse soient mieux évalués.

Lundi matin, Mme Jérôme-Forget a accordé des entrevues à certains médias afin de démentir un reportage de la télévision de Radio-Canada indiquant que le gouvernement envisagerait la possibilité de remplacer les deux tiers de la direction de la société d'État, chargée notamment d'investir les cotisations de retraite des employés du secteur public.

Sur les ondes de RDI, la ministre des Finances a contredit ces informations en déclarant que la loi ne permet pas au gouvernement du Québec, ni à elle ou même au premier ministre, de congédier ou de nommer les vice-présidents de l'institution.

«C'est faux, archifaux, pour plusieurs raisons, a-t-elle dit. D'abord, le gouvernement n'a pas ce pouvoir. Il appartient à la direction de la Caisse de choisir ses vice-présidents. Deuxièmement, le gouvernement ne veut surtout pas s'immiscer dans les affaires de la Caisse. (...) C'est complètement faux que le gouvernement ait même pensé à poser un tel geste.»

La direction de la CDP a de son côté assuré que les allégations du reportage sont sans fondement et qu'elles portent préjudice aux personnes concernées et à l'institution en semant un doute sur la légitimité de ses dirigeants.

Dans son reportage, Radio-Canada a affirmé qu'au moins sept des 11 premiers vice-présidents pourraient être limogés.

La Caisse doit dévoiler d'ici la fin du mois ses résultats financiers annuels. Les plus récentes estimations des partis d'opposition et des médias font état de pertes qui pourraient s'élever à plus de 30 milliards $.

Un premier vice-président de la CDP, Daniel Paillé, a affirmé que le gouvernement avait commis une erreur en retirant au sous-ministre des Finances le rôle de membre adjoint au conseil d'administration de la Caisse.

«Le fait que le sous-ministre ne soit pas membre du conseil d'administration, ç'a été une erreur, tout simplement, a-t-il dit lors d'une entrevue. Depuis que la Caisse est Caisse, depuis le tout début de ses opérations, le sous-ministre des Finances a toujours été au conseil de la Caisse.»

Le président honoraire du Mouvement d'éducation et de défense des actionnaires, Yves Michaud, a affirmé que cette présence du sous-ministre aurait permis au gouvernement d'avoir une image plus claire de la situation actuelle.

«Le sous-ministre des Finances, siégeant là, il est l'écho, a-t-il dit. Il s'en va voir le ministre des Finances et le premier ministre et ça c'est normal.»

Spécialiste des marchés financiers et ancien dirigeant de la Caisse, Michel Nadeau préfère que la voix du gouvernement se fasse plutôt entendre par le président du conseil d'administration.

Selon lui, le retour du sous-ministre des Finances autour de la table pourrait faire en sorte que les autres administrateurs se sentiraient inutiles.

«Si vous avez un sous-ministre, sur les nombreux dossiers, les autres membres du conseil vont se demander ce qu'ils font là, a-t-il dit. Si le sous-ministre est là pour annoncer toutes les décisions prises par le ministre, qu'est-ce qu'on a à faire comme membres du conseil?»

En 2004, le gouvernement a modifié la législation sur la Caisse pour accroître son indépendance et lui confier un mandat davantage axé sur les rendements de ses investissements. À cette occasion, la composition du conseil avait été changée, et le sous-ministre des Finances a cessé d'y siéger.

Par ailleurs, lundi, M. Michaud a réclamé une commission d'enquête afin de faire toute la lumière sur la gestion de la Caisse, qui a défrayé les manchettes au cours des derniers mois en plus d'occuper une place importante dans la dernière campagne électorale provinciale.

«Je trouve qu'il y a des choses qui ne sentent pas bon dans toute cette histoire-là, a-t-il dit. La culture du secret qui s'est installée depuis six mois et davantage, le bas de laine des Québécois ça appartient à tout le monde. Et quand il y a une culture du secret, c'est la noirceur, et ça mène vers des choses qui sont inadmissibles.»