L'homme s'accroche à une barre déposée en travers de fils tendus entre deux pylônes. Sous l'effet de ressort des fils, il se projette et virevolte, pour se recevoir, toujours agrippé à sa barre, sur les fils du niveau inférieur.

Un nouveau système pour monteur de lignes à Hydro-Québec? Non, un appareil acrobatique conçu par un étudiant en design de l'environnement de l'UQAM, avec le concours du Cirque du soleil.Depuis le mois de septembre, le Cirque a tissé des liens avec sept écoles québécoises de génie et de design - Polytechnique, ETS, Université de Sherbrooke, Université du Québec en Abitibi, UQAM, Université de Montréal, cégep du Vieux-Montréal.

Objets de performances

Le Cirque leur propose des thèmes relatifs aux objets de performances acrobatiques, que les institutions peuvent intégrer dans leurs cours sous formes de projets et d'ateliers.

Bernard Petiot, vice-président casting et performance, avait depuis longtemps conscience du potentiel créatif de Montréal. «Je me disais qu'il fallait déborder des murs du Cirque pour créer une dynamique qui s'inscrirait dans le courant montréalais», dit-il.

Au printemps dernier, il a confié au designer Garry Savage, directeur du Centre de recherche et d'innovation en performance (CRIP) du Cirque, cette tâche de parcourir d'autres pistes.

«Il a saisi la balle au bond», lance-t-il en une pertinente métaphore.

Avec ces ententes à vocation pédagogique, le CRIP pouvait alimenter à des sources fraîches son bassin de nouvelles idées, où viennent puiser les créateurs des spectacles du cirque.

Un exemple de thème proposé aux étudiants en génie: comment renouveler et concrétiser l'idée du diable qui bondit hors de sa boîte. «Il peut y avoir du pneumatique, de l'hydraulique, de la programmation, de la sécurité, de l'ergonomie... décrit Garry Savage. Pour un étudiant en génie, c'est fantastique. Il va toucher à tous les thèmes de la création d'un objet.»

Des protocoles sur la propriété intellectuelle ont été signés avec chacune des institutions. Les concepts les plus prometteurs pourront être développés, transformés, raffinés, voire bouleversés... et aboutiront peut-être un jour sous une forme quelconque dans un spectacle. «Nous ne sommes pas un manufacturier, insiste Garry Savage. Ici, une idée est en mutation continuelle.»

En septembre dernier, le thème du rebond a été proposé aux étudiants de deuxième année en design de l'environnement de l'UQAM. Dans des ateliers dirigés par les professeurs de design Maurice Cloutier et André Desrosiers, quelque 80 étudiants ont, en sept semaines, trouvé un concept, l'ont développé et l'ont illustré en trois planches et une maquette.

Pour les soutenir dans leur quête, le Cirque a fourni des DVD de ses spectacles, donné deux conférences et fait visiter ses installations montréalaises.

Le résultat de ce remue-méninges a été présenté en décembre. «Il y a eu une participation et un enthousiasme beaucoup plus grands que ce à quoi je m'attendais», exprime Bernard Petiot, surpris par le foisonnement d'idées. «L'intérêt qu'on crée chez les étudiants, et même chez les professeurs, est assez incroyable, ajoute Garry Savage. Le cirque joue un rôle de déclencheur.»

Un petit univers

Chacun des concepts est un petit univers en soi. Celui de la solitude et de l'aliénation dans l'idée d'une gymnaste suspendue par sa chevelure démesurée - une longue perruque qui cache un harnais et un câble -, de Magalie Rouleau. Celui de la survie et du ressort avec cette forêt tropicale semée d'obstacles, dont le sol est en fait un large tremplin monté sur lames en composites, par Mathieu Croteau-Gaurthier.

«Comme ce n'est pas du design d'objet traditionnel et que ça s'adresse à un milieu culturel, on pense que ça convient bien à la formation très large qu'on donne ici en design de l'environnement, commente André Desrosiers. À tous les égards, ça a été profitable.»

Le Cirque n'intervient pas dans l'attribution des notes, et l'UQAM n'a aucun regard sur les huit bourses de 500$ à 1500$ que le Cirque accorde aux meilleurs projets.

Et les étudiants, dans tout cela? Enthousiastes, si on en croit Vincent Lalonde Dupuy, auteur du concept des pylônes électriques. «Pouvoir travailler avec le Cirque, c'est vraiment encourageant, s'exclame-t-il. On a présenté notre travail devant un de leurs créateurs. Il a fait de bons commentaires et une bonne critique. Ça nous donne une bonne idée de ce que va être le métier plus tard.»