Les taxes douanières annoncées par le gouvernement américain contre l'acier et l'aluminium importés du Mexique et du Canada compliquent un peu plus la difficile renégociation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), en vigueur depuis 1994.

La décision du gouvernement Trump est intervenue au moment où les discussions entre les trois partenaires s'enlisaient sur des points stratégiques tels que l'industrie automobile, Washington exigeant une part beaucoup plus importante de composants fabriqués sur son territoire pour exonérer ses partenaires de droits de douane.

Ces taxes américaines de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium «n'améliorent certainement pas le climat lorsque vous essayez de conclure une négociation», remarque auprès de l'AFP Hugo Perezcano, ancien chef de l'unité gouvernementale mexicaine chargée d'enquêter sur les pratiques commerciales internationales déloyales.

En réponse, le gouvernement mexicain a annoncé qu'il imposerait des mesures équivalentes sur différents produits tels que la viande porcine, les pommes, les raisins et les lampes. Le Canada et l'Union européenne ont également annoncé des mesures de rétorsion.

«Le Mexique montre qu'il ne cède pas aux exigences des Américains», commente Alejandro Luna, avocat spécialisé dans le commerce chez Santamarina & Steta.

Les taxes douanières annoncées par le Mexique visent des secteurs politiquement sensibles pour Trump, comme celui des producteurs de viande porcine.

«Une partie de l'électorat de Trump est concernée, c'est un secteur qui dépend des exportations. On s'approche d'une élection importante (élections de mi-mandat aux États-Unis) et le Mexique étudie comment maximiser les dégâts», analyse cet expert.

Il s'agit néanmoins d'une «arme à double tranchant» selon lui, car elle peut impacter les consommateurs mexicains.

La riposte du Mexique et du Canada fait aussi craindre une guerre commerciale qui pourrait affecter avant tout les consommateurs.

«Il existe un risque réel que cela continue et ne profite ni aux États-Unis, ni au Mexique, ni au Canada», ajoute Perezcano.

«Deux pays très différents»

Bien que l'annonce des taxes douanières américaines sur les importations d'aluminium et d'acier ait assombri l'avenir de l'ALENA, les négociations avaient déjà perdu de la vigueur au cours des dernières semaines.

Le mois dernier, les trois pays semblaient pourtant sur le point de parvenir à un accord avant le 17 mai qui aurait permis au Congrès américain de le ratifier avant les élections de mi-mandat.

Puis le représentant commercial américain, Robert Lighthizer, a fait savoir que les trois pays n'étaient pas proches d'un accord.

Le 1er juin, Trump suggérait des accords séparés avec le Mexique et le Canada en lieu et place de l'ALENA. «Ce sont deux pays très différents», justifiait-il, tout en martelant que l'ALENA était «un accord lamentable pour les États-Unis».

L'approche de l'élection présidentielle mexicaine, le 1er juillet, ne favorise pas non plus la signature prochaine d'un texte.

Le vétéran de gauche Andrés Manuel Lopez Obrador fait figure de grand favori des sondages - avec plus de 20 points d'avance sur son plus proche adversaire -, et un nouveau gouvernement devra sans doute reprendre les négociations.

«Il est maintenant très peu probable que l'accord soit ratifié cette année», selon Camarena.

La renégociation, qui a débuté en août 2017, «va se poursuivre tout au long de l'année et n'aboutira pas avant 2019», anticipe Rafael Camarena, économiste à Banco Santander, prolongeant ainsi un climat d'incertitude déjà dommageable au Mexique.

Lundi, le peso s'est encore affaibli, repassant pour la première fois depuis 15 mois au-dessus de la barre des 20 pesos pour un dollar.

Selon plusieurs analystes financiers, la politique mexicaine sur le commerce extérieur est l'un des facteurs pouvant faire dérailler la croissance du pays.

Même si le Mexique tente de diversifier ses partenaires, l'ALENA reste vital pour lui, le pays exportant près de 80% de ses produits vers le marché américain.