Euphoriques au lendemain du premier tour de la présidentielle française, nombre d'investisseurs européens voient d'un bon oeil le programme d'Emmanuel Macron, qu'ils jugent «équilibré» tout en restant circonspects quant à la capacité du candidat à réunir une majorité parlementaire.

«C'est une très bonne journée, certains de nos clients ont fait de très belles performances entre la fermeture du CAC 40 vendredi soir et l'ouverture ce matin», se réjouit auprès de l'AFP Elie Bohbot, directeur commercial chez Saxo Bank, les yeux rivés sur trois écrans boursiers peu après l'ouverture du marché.

Après une soirée intense, consacrée aux résultats électoraux français, la fatigue se lit dans les yeux des banquiers de la salle de marchés de Saxo Bank. Beaucoup ont veillé dimanche jusqu'à tard dans la nuit. Mais ce lundi matin, tous se disent confiants et satisfaits.

Comme la plupart des bourses européennes, la place parisienne a bondi à l'ouverture ce lundi, saluant le succès d'Emmanuel Macron au premier tour.

Ce résultat dissipe les craintes, selon les investisseurs, d'une victoire de Marine Le Pen, dont la politique de sortie de la monnaie unique et de l'Union européenne après référendum était qualifiée de «scénario catastrophe» par nombre de financiers ces derniers jours.

«Macron a réussi à maintenir sur Le Pen une large avance qu'il va désormais pouvoir consolider», jugent dans une note les analystes de du gestionnaire d'actifs américain Blackrock, qui parient comme la plupart des investisseurs sur une large victoire du candidat d'En Marche le 7 mai prochain lors du deuxième tour.

«Ligne médiane»

«Vive la France, longue vie à l'Europe», jubile ainsi Stefan Kreuzkamp, chef des investissements chez Deutsche Bank Asset Management, dans une note. Selon lui, «les résultats du premier tour renforcent notre confiance dans notre scénario: cet été, la France aura, pour la première fois, un président en faveur des réformes».

Généralement décrit comme «social-libéral» ou «social-démocrate», favorable à l'activité privée et pro-européen, Emmanuel Macron, inconnu du grand public et des marchés il y a encore trois ans, a gagné au cours des dernières semaines la sympathie des acteurs de marché.

«Pour l'Europe, Macron veut augmenter le budget communautaire, créer un poste de ministre de l'Économie et des Finances de la zone euro et lancer un programme d'investissement pour que davantage soit fait en faveur de l'innovation et l'industrie, c'est un signal favorable pour les investisseurs étrangers», relate à l'AFP un banquier français sous couvert d'anonymat.

À l'échelon français, «il propose une ligne de réformes jugée médiane entre une voie un peu thatchérienne comme celle du candidat conservateur François Fillon et une autre plus keynésienne comme celle de Benoît Hamon, qui paraît susceptible d'être mieux acceptée par les Français», ajoute cette même source.

En outre, le candidat d'En Marche, ancien de la banque d'affaires Rotschild, s'est récemment distingué par ses critiques envers les règles financières élaborées en réponse à la crise de 2008. Une sortie bien accueillie par le secteur financier après des années de durcissement des règles bancaires.

Incertitudes autour des législatives

Pour autant, de nombreuses incertitudes demeurent quant à la capacité d'Emmanuel Macron à mener sa politique en cas de victoire.

«L'interrogation des marchés se porte désormais sur (sa) capacité à obtenir une majorité lors des législatives, qui détermineront ensuite sa capacité à mettre en place son programme, considéré comme séduisant et équilibré par les investisseurs», souligne auprès de l'AFP Andrea Tueni, analyste marché chez Saxo Bank.

Le candidat centriste «n'a l'appui d'aucun des grands partis politiques traditionnels. Après les élections législatives de juin, il devra probablement former une coalition», ce qui pourrait provoquer de possibles remous sur les marchés, met en garde Léon Cornelissen, économiste du gérant Robeco.

«Sera-t-il en mesure de mettre en oeuvre son programme de réformes économiques? Ou bien la France restera-t-elle encore à la traîne de l'Allemagne augmentant ainsi le risque politique pour les prochaines élections présidentielles?», s'interroge cet expert dans une note.

En outre, «avec l'élimination du candidat de centre droit François Fillon, ceux qui misaient sur des réformes profondes et rapides orientées sur la demande en France vont probablement devoir réviser leurs attentes» alors qu'Emmanuel Macron plaide pour une politique de réformes modérée, pointent les économistes de Bank of America Merrill Lynch.