Le Parlement européen s'est prononcé mercredi en faveur du CETA, l'accord de libre-échange controversé entre l'Union européenne et le Canada, en dépit de nombreuses protestations.

Avec ce vote, une grande partie du texte devrait être appliquée de manière provisoire, a priori dès le printemps, le temps qu'il soit ratifié par les Parlements de l'UE, ce qui prendra des années.

Réunis en session plénière à Strasbourg, les eurodéputés ont été 408 à se prononcer en sa faveur, 254 à voter contre et 33 à s'abstenir.

Dans le même temps, environ 700 opposants au CETA, selon la police, défilaient dans Strasbourg (est de la France) jusqu'au Parlement. Plusieurs dizaines d'autres ont bloqué l'entrée du bâtiment dès le matin.

« Dire oui au CETA, c'est piétiner le peuple », clamait une banderole. Sur une autre, on pouvait lire : « Démanteler la démocratie ? Hors de question !».

Les détracteurs du CETA le jugent antidémocratique, trop favorable aux multinationales, léger sur l'environnement ou encore dangereux pour l'agriculture.

« C'est normal que les gens s'inquiètent de l'environnement, de la nourriture qu'ils donnent à leurs enfants, de la sécurité. Mais il y a certains mythes qui survivent sur ces thèmes-là », leur a répondu la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, à l'issue du vote.

« Rien dans cet accord » n'affectera « la sûreté de la nourriture que nous mangeons ou des produits que nous achetons » ni n'entraînera « la privatisation » des services publics, avait-elle assuré un peu plus tôt face aux eurodéputés au cours d'un débat de trois heures, parfois houleux.

« Ces accords préparent le terrain à une relation encore plus forte avec l'UE, ce qui se traduira par de plus grandes possibilités pour la classe moyenne des deux côtés de l'Atlantique », a réagi le premier ministre libéral canadien Justin Trudeau, qui s'exprimera jeudi dans l'hémicycle. « J'ai hâte », a-t-il twitté.

Le texte - appelé Accord économique et commercial global (AECG, en anglais CETA) - supprimera 99% des droits de douane. Présenté comme un modèle d'accord commercial, il prône également la coopération en matière sociale, sanitaire et environnementale.

L'accord était soutenu par les eurodéputés de droite, ainsi que par les libéraux et la plupart des socialistes.

Ce vote fait « primer la défense des intérêts européens sur les fantasmes », se sont réjoui les Français Tokia Saïfi et Franck Proust, membres du groupe du Parti populaire européen (PPE, droite), le plus important du Parlement.

Les Verts, l'extrême gauche, l'extrême droite et certains socialistes ont voté contre.

Le groupe socialiste et démocrates, le deuxième du Parlement, a été particulièrement divisé. Son président, l'Italien Gianni Pittella, y était favorable « à titre personnel », contrairement à la délégation française, par exemple, qui a dénoncé « une menace directe pour l'emploi ».

« Traité scélérat »

Les écologistes sont tout aussi sévères, à l'image du Français Yannick Jadot qui voit dans le CETA « l'aboutissement d'un processus de dérégulation, de privatisation de la norme ».

« Nous sommes dans un moment trop précieux, trop rare de notre Histoire, pour ne pas regarder ce qui explique les Brexit, les Trump », a-t-il observé.

Pour la présidente du Front national (extrême droite, France), Marine Le Pen, le CETA est « un traité scélérat » qui a été « soigneusement caché à tous les citoyens ».

Parmi les principales cibles des critiques, les tribunaux arbitraux amenés à être mis en place une fois que le traité aura été définitivement approuvé.

Ces juridictions pourront être saisies par une entreprise afin de demander réparation à un État ayant pris une réglementation contraire à ses intérêts.

Le Parlement de la région belge de Wallonie s'en était vivement inquiété en octobre 2016, entraînant une mini-crise diplomatique avec le Canada, qui avait retardé de quelques jours la signature officielle du traité.

Avec l'approbation du Parlement européen, un long et incertain processus de ratification du CETA s'ouvre maintenant. Au total, 38 parlements nationaux et régionaux dans l'UE devront approuver ce texte.

« Nous avons 38 nouvelles chances de stopper cet accord », a déjà prévenu la Néerlandaise Anne-Marie Mineur, du groupe des députés de la GUE (extrême gauche), pour qui « le peuple arrêtera le CETA ».

« Dans la grande majorité des pays, il n'y aura aucun problème et dans certains oui », a concédé à l'AFP Cecilia Malmström, qui demande aux États membres de « calmer les craintes ».

Côté canadien, le texte a été déposé mercredi au Sénat pour accord final.

Photo Jean-François Badias, Associated Press

Environ 700 personnes, selon la police, ont manifesté dans Strasbourg contre le CETA, jusqu'au Parlement européen.

Quelques détails sur l'Accord

Voici quelques faits au sujet de l'entente:

- Le Canada est le 12e plus important partenaire commercial de l'Union européenne. L'UE est le deuxième plus important partenaire commercial du Canada, après les États-Unis, et représente près de 10 % de son commerce extérieur.

- En 2014, les exportations canadiennes vers l'UE se sont élevées à 39,5 milliards $, et ses importations, à 53 milliards $.

- L'UE a une population de plus de 500 millions et un PIB nominal de près de 18 000 milliards $.

- L'accord doit éliminer environ 98 % des tarifs pour les deux parties.

- Une étude conjointe Canada-UE a conclu que l'entente commerciale pourrait faire augmenter le commerce bilatéral de 20 % annuellement et hausser les revenus du Canada de 12 milliards $ annuellement.

- L'étude suggère que les avantages économiques de l'accord pourraient être équivalents à la création de près de 80 000 nouveaux emplois ou à une hausse de 1000 $ des revenus annuels moyens des ménages canadiens.

- La première ronde de négociations a eu lieu à Ottawa en octobre 2009 et une entente de principe a été annoncée quatre ans plus tard. Après avoir modifié quelques clauses litigieuses, un texte légal final a été publié en février 2016.

- La Wallonie, une région belge de 3,6 millions d'habitants, est passée près de faire avorter l'entente. Une ronde finale de négociations a permis d'éviter le veto wallon, qui aurait mis fin à sept années de discussions.

(LA PRESSE CANADIENNE)