Près de trois mois après le référendum britannique, l'UE va lancer cette semaine le chantier de l'après-Brexit, en misant sur la sécurité pour remobiliser autour d'un projet qui réponde aux inquiétudes des Européens.

C'est à Bratislava, la capitale slovaque, que les dirigeants des pays européens se sont donné rendez-vous, le 16 septembre, pour un sommet à 27 sans le Royaume-Uni, où la défense occupera une large part des débats.

Le départ de l'UE des Britanniques, exclus de la réunion de Bratislava, n'en sera pas le thème, a déjà prévenu le président du Conseil européen, Donald Tusk. «Le sujet, c'est de reprendre le contrôle politique de notre futur commun», a-t-il insisté.

La rencontre, symboliquement organisée hors de Bruxelles, se tiendra deux jours après un autre temps fort européen: le discours annuel sur «l'état de l'Union» du président de la Commission, Jean-Claude Juncker, devant les eurodéputés à Strasbourg.

Sous pression, M. Juncker veut présenter un «agenda positif», selon son entourage, tout comme les dirigeants des 27 qui vont tenter de briser vendredi la spirale des divisions.

Les discussions à Bratislava vont principalement «tourner autour du concept de sécurité», aussi bien «externe» (protection des frontières extérieures, renforcement de la défense européenne) qu'«interne», contre le terrorisme, explique un diplomate européen.

Le sommet ne débouchera pas sur des annonces concrètes, selon ce responsable impliqué dans sa préparation, mais marquera «le début d'un processus».

Relance de l'Europe de la défense

Parmi les pays en pointe sur le renforcement de la défense européenne, la France pousse pour «davantage de coordination, de moyens supplémentaires et de forces de projection», vient de rappeler François Hollande.

En vue de Bratislava, la France et l'Allemagne ont d'ailleurs préparé des propositions communes - une «base de réflexion» - pour rendre la défense européenne plus «réactive» et plus «efficace».

La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a promis qu'un plan «ambitieux» serait présenté «avant la fin de l'année».

Écartant l'idée d'une «armée européenne» dans les prochaines décennies, elle plaide pour des coopérations renforcées, avec un quartier général à Bruxelles et une industrie européenne de la défense.

«Je pense que nous avons aujourd'hui un espace politique pour faire des choses qui n'étaient pas vraiment possibles les années précédentes», a récemment confié Mme Mogherini, faisant écho au sentiment répandu que le départ des Britanniques, privilégiant la coopération transatlantique, pourrait faciliter les choses.

M. Juncker devrait dévoiler dès mercredi les grandes lignes de ce plan devant le Parlement européen, mais il abordera aussi d'autres dossiers, selon son entourage.

Il évoquera le plan d'investissement qui porte son nom, lancé en 2014 pour stimuler la croissance. La Commission veut le prolonger au-delà de 2018, avec un objectif qui dépasserait largement les 315 milliards d'euros initialement visés.

L'exécutif européen va aussi détailler un nouveau projet, calqué sur le «plan Juncker», mais orienté vers des pays tiers en développement, notamment africains, pour s'attaquer aux racines des migrations.

Portée par l'élan de la retentissante affaire Apple, la Commission devrait aussi faire état de son intention de poursuivre l'offensive contre l'évasion fiscale en Europe, source de frictions entre États membres.

«Irréaliste»

La recherche par les dirigeants européens d'un nouveau souffle collectif promet cependant d'être difficile.

Le thème de la sécurité est un choix «sérieux», estime Rosa Balfour, experte au German Marshall Fund. «Les dirigeants politiques pensent qu'en faisant cela, ils répondent aux inquiétudes des citoyens», estime-t-elle.

Mais un dossier comme la défense européenne «a avancé à un rythme d'escargot lors des vingt dernières années», et il est «irréaliste d'attendre une grosse accélération», estime Mme Balfour.

À Bratislava, «une bonne ambiance et une photo de famille ne résoudront pas les problèmes», a averti la première ministre polonaise Beata Szydlo, qui avec les autres pays du groupe de Visegrad (Hongrie, Slovaquie, République tchèque), plaident pour une «Europe des patries» moins intégrée.

«La discussion sur l'avenir de l'Europe ne peut pas être confisquée» par ces pays, a rétorqué vendredi le premier ministre grec Alexis Tsipras, qui a appelé vendredi avec d'autres dirigeants de pays du sud, dont la France et l'Italie, à desserrer le carcan budgétaire européen et à davantage de solidarité sur la question migratoire.

Après le Brexit, «il n'y a pas de retour au "business as usual"», estiment Heather Grabbe et Stefan Lehne, analystes de la Fondation Carnegie Europe.

«Mais le calendrier électoral - les Français et les Allemands votent en 2017 - et les divisions à travers l'Europe rendent les décisions majeures impossibles pour au moins deux ans», jugent-ils.