Alors qu'en Europe les banques centrales cherchent à stimuler croissance et emploi par des taux bas, l'Islande tente de résoudre un problème de riche: comment raviver l'inflation quand on a déjà le plein emploi?

La Banque centrale d'Islande a surpris en abaissant mercredi son taux d'intérêt directeur d'un demi-point, à 5,25%. C'est la première fois qu'elle le fait depuis décembre 2014.

Ce taux reste nettement supérieur à celui de la Banque centrale européenne (0%), de la Banque d'Angleterre (0,25%), de la Banque de Norvège (0,5%), et plus encore de celle de Suède (-0,5%).

Le problème se situe là. Quand partout les taux sont aussi bas, les investisseurs affluent pour acheter des couronnes et ainsi profiter des rendements qu'offre l'Islande, exceptionnels en Europe occidentale.

Les autorités monétaires ont tenté en vain de contrer le mouvement. «La couronne s'est considérablement appréciée récemment, malgré des achats importants de devises étrangères par la Banque centrale», ont-elles expliqué.

Cette hausse du taux de change (de 6,5% depuis mai) fait baisser le prix des importations, dont l'Islande est fortement dépendante. L'île importe à peu près la moitié de sa nourriture, la totalité de ses automobiles et de son pétrole, et la plupart de ses biens de consommation courante.

Or d'après la banque centrale, les importations connaissent une «déflation» qui mettent son objectif d'inflation hors d'atteinte.

«Malgré de fortes augmentations des salaires et un PIB qui dépasse de plus en plus son potentiel, l'inflation reste inférieure à l'objectif officiel depuis deux ans et demi. En juillet elle s'est établie à 1,1%, le taux le plus bas depuis début 2015», a-t-elle indiqué dans un communiqué.

Vigueur du tourisme

Curieusement, le Fonds monétaire international voyait en juin le danger inverse. «Le plus gros risque pour l'Islande est la surchauffe. Les hausses de salaire généreuses, s'ajoutant à des voyants économiques déjà au rouge, rappellent l'historique islandais de boom et de krach», écrivaient ses économistes.

Qui a raison? Les prix vont-ils s'emballer ou stagner? «Le risque pour la nouvelle prévision d'inflation de la banque centrale est plutôt qu'elle soit trop basse», d'après Stephen Brown, économiste de Capital Economics.

Mais si on oublie l'inflation, en apparence tout va bien pour l'économie islandaise. En 2015, elle a dépassé le niveau d'activité d'avant la crise financière de 2008 et renoué avec le plein emploi. La banque centrale a relevé mercredi à 4,9% sa prévision de croissance pour 2016. Le taux de chômage est aujourd'hui sous les 3%.

L'île profite de la vigueur du tourisme. La hausse de 30% du nombre de ses visiteurs étrangers en 2015 est partie pour se répéter en 2016. Elle peut enfin supprimer les contrôles de capitaux qu'elle avait mis en place quand ses banques s'étaient effondrées.

Pour le premier ministre Sigurdur Ingi Johannsson, les taux trop hauts étaient un fardeau inutile.

«Y a-t-il un principe quelconque qui fait que l'Islande a des taux d'intérêt de 2 à 3 points supérieurs à ce qu'on jugerait nécessaire?», s'était-il interrogé, dans un entretien publié le 10 août par l'agence Bloomberg. «J'attends de la banque centrale qu'elle puisse répondre à cette question avec de bons arguments».

M. Johannsson a eu sa réponse. Mais malgré la bonne santé de l'économie, il ne devrait pas rester en poste longtemps. Tous les sondages indiquent que le Parti du progrès (centre-droit) devrait être sanctionné lors des législatives fin octobre.