Avec le Brexit, l'incertitude politique, bête noire des investisseurs, reprend sur les marchés financiers et promet comme les années précédentes son lot de séances fiévreuses et erratiques.

Depuis 2011 qui a vu démarrer la crise de la dette en zone euro au coeur de l'été, cette période réserve chaque année des sensations fortes aux places financières.

Et alors que la majorité des investisseurs voyaient le Royaume-Uni rester dans l'Union européenne, augurant pour la première fois depuis longtemps de grandes vacances plus paisibles, le Brexit ramène la volatilité et les craintes par la grande porte.

«Nous avons clairement de nouveau un risque politique qui s'est matérialisé et le fait que le Royaume-Uni prenne son temps pour nommer un autre Premier ministre et activer la séparation crée une sorte de vide. Or les marchés n'aiment pas le vide», explique Alain Zeitouni, directeur des gestions pour Russell Investments France, basé à Londres.

«Nous allons donc avoir de la volatilité. Cela n'exclut pas une issue positive. Mais cela va surtout être les montagnes russes», avec «d'importantes variations au gré des déclarations politiques», anticipe-t-il.

«Les marchés risquent d'être à la merci des déclarations des uns et des autres cet été, typiquement comme cela a été le cas au cours des différents épisodes de la crise grecque ces dernières années», observe également Jean-Louis Mourier, un économiste de Aurel BGC.

«Nous avons failli partir en vacances tranquilles cette année», ironisait aussi en privé un gérant d'actifs, résumant bien l'état d'esprit général dans le secteur financier.

Pas plus clair qu'avant

Car la volonté du premier ministre, David Cameron, de laisser son successeur amorcer officiellement le divorce et en négocier les conditions, renvoie les prochaines échéances clés à septembre, ouvrant une période de deux mois sans perspective d'avancées concrètes.

«David Cameron et les conservateurs britanniques sont totalement maîtres du calendrier. Et comme les Européens ne veulent pas non plus commencer à négocier avant que la demande formelle soit notifiée, nous ne devrions pas avoir la moindre idée de comment la séparation va se faire avant la rentrée», remarque M. Mourier.

«L'incertitude est donc appelée à se prolonger. Et finalement nous ne voyons pas beaucoup plus clair qu'avant le référendum», ajoute-t-il.

«C'est un exercice difficile pour les investisseurs, car c'est une situation inconnue. En général, ils évaluent un événement à partir d'un modèle passé, là par définition ils ne peuvent pas le faire. Cela va permettre à l'incertitude de persister», relève aussi Patrick Jacq, un spécialiste du marché de la dette de BNP Paribas.

«L'été est en outre propice à la volatilité, car en l'absence de nombreux acteurs, les volumes d'échanges sont moindres, du coup le moindre facteur a un impact plus marqué», ce qui ne veut pas dire pour autant que la situation pourrait se détériorer, complète M. Jacq.

De fait presque une semaine après ce scrutin historique, les marchés se sont en effet bien ressaisis.

Londres a récupéré toutes ses pertes, les indices américains quasiment aussi. Les Bourses de la zone euro ont avancé moins vite. Paris, par exemple, qui a avait perdu 11% en deux séances, n'était qu'à mi-chemin jeudi.

Campagne américaine en embuscade

«Les marchés se stabilisent globalement, mais il est trop tôt pour parler de retour à la normale», estime M. Zeitouni.

Au-delà des annonces politiques, ce que les marchés vont aussi surveiller «dans les prochaines semaines, ce sera comment les entreprises réévaluent leurs perspectives d'ici 2017» et comment la consommation et la croissance évoluent, selon lui.

La question étant de savoir comment cet événement majeur va se répercuter sur l'économie réelle, ce qui pourrait aider, ou pas, les marchés à se détacher des déclarations politiques.

D'autant que si l'été s'annonce délicat, l'automne le sera sans doute tout autant, car c'est le moment où les contours commenceront à se concrétiser tenant les places financières en haleine.

Et cela sans compter un autre événement politique majeur: la présidentielle aux États-Unis.

Car, comme le souligne M. Zeitouni, à la rentrée «la campagne américaine va entrer dans le dur avec les premiers programmes électoraux et toutes ces nouvelles incertitudes que les marchés n'aiment pas».