La monnaie russe est tombée lundi à quelques centimes du plus bas niveau de son histoire face au dollar, plombée par la chute sans fin des cours du pétrole, alimentée par la levée des sanctions contre l'Iran.

Moscou espère profiter de son statut d'allié historique de Téhéran pour conclure de juteux contrats avec la République islamique. Mais la fin des sanctions est aussi synonyme d'afflux de pétrole iranien sur le marché.

Téhéran a ainsi décidé lundi d'augmenter de 500 000 barils/jour sa production pétrolière, affichant ainsi sa détermination à profiter sans délai de l'entrée en vigueur de l'accord nucléaire et de la fin des sanctions occidentales.

Résultat: le baril d'or noir s'enfonce sous le seuil des 30 dollars, ce qui devrait se traduire pour la Russie par une nouvelle année de récession et des coupes budgétaires.

Sur la Bourse de Moscou, le dollar a successivement dépassé les seuils de 78 puis 79 roubles pour atteindre 79,43 roubles, frôlant son sommet historique de 80 roubles touché pendant les journées noires de décembre 2014.

L'euro a atteint 86,57 roubles, un pic depuis décembre 2014. Il était alors monté jusque 100 roubles.

Sur le marché boursier, massacré la semaine dernière, l'indice RTS (libellé en dollars) a encore cédé 0,93%, portant son plongeon à près de 15% au total depuis le début de l'année.

L'indice Micex (en roubles) a revanche grignoté 0,87%.

«Le pétrole est la principale force (influant le marché) à l'heure actuelle et si sa chute continue, le marché des changes continuera de s'ajuster», ont prévenu les analystes de la banque VTB Capital.

Le baril de Brent est tombé brièvement sous les 28 dollars lundi sur fond de crainte d'une surabondance de l'offre après la levée de la plupart des sanctions occidentales contre l'Iran. L'or noir ne s'était plus vendu aussi bon marché depuis novembre 2003.

Pas de nouveaux crédits

La Russie tire la majorité de ses revenus budgétaires des ventes d'hydrocarbures et l'effondrement du marché pétrolier remet en cause les espoirs de reprise économique après la profonde récession de 2014, qui a fortement réduit le pouvoir d'achat des Russes.

La Russie est également visée par des sanctions économiques de la part des Occidentaux en raison de son rôle présumé dans la crise ukrainienne.

Les prévisions économiques et le budget sont bâtis sur une prévision de baril à 50 dollars. Si la moyenne sur l'année est de 40 dollars, le produit intérieur brut subira cette année «une petite baisse, moins de 1%», a évalué ce week-end le ministre de l'Économie Alexeï Oulioukaïev, cité par l'agence Interfax.

Le gouvernement, qui a déjà annoncé préparer de nouvelles coupes budgétaires pour s'adapter aux cours actuels, a tenu lundi une nouvelle réunion consacrée à la chasse aux économies.

«Il est indispensable de réduire les dépenses (...), c'est évident pour tout le monde», a répété le premier ministre Dmitri Medvedev, promettant des «mesures énergiques».

Pendant le week-end, le ministre des Finances Anton Silouanov a évalué les économies prévues à 500 milliards de roubles (9,2 milliards de dollars CAD).

Si la rigueur attendue devrait épargner les prestations sociales et l'aide aux secteurs prioritaires comme l'automobile, l'octroi de crédits à des pays tiers, comme le fait souvent Moscou en échange de contrats commerciaux, devient difficile.

«Actuellement, il y a très peu de chance que le gouvernement prenne des décisions concernant l'octroi de nouveaux crédits», a jugé Sergueï Stortchak, vice-ministre des Finances, car le budget est «plus que serré».

«Objectivement, nous nous trouvons dans une situation où nous devons marquer une pause», a-t-il noté.

Pour les économistes de la banque Alfa, un baril à 30 dollars en moyenne sur l'année représenterait un manque à gagner bien plus important, de 1500 milliards de roubles (27,5 milliards CAD), soit trois fois plus que les économies prévues par M. Silouanov.

Ces dernières «représentent seulement 3% des dépenses totales du budget fédéral, ce qui suggère une certaine rigidité concernant les dépenses tout en mettant en valeur la capacité limitée du ministère des Finances à contrôler les dépenses», ont-ils constaté.