Le premier ministre grec Alexis Tsipras a laissé entendre mardi que les banques du pays fermées depuis le 29 juin pourraient le rester encore au moins un mois.

«L'ouverture des banques dépend de l'approbation de l'accord, qui aura lieu dans un mois», a-t-il constaté sur la télévision publique ERT, arguant que «quand il y a un choc, il y a toujours la possibilité que les épargnants aillent retirer tout leur argent». Il a cependant espéré que «la BCE s'orientera vers la hausse de l'ELA (l'aide d'urgence qu'elle dispense aux banques grecques, NDLR), donc il y aura la possibilité de retirer plus», a-t-il estimé, alors que les retraits quotidiens sont limités à 60 euros actuellement aux distributeurs.

Après avoir éloigné le spectre d'un «Grexit», Alexis Tsipras tentait mardi de rallier son propre camp aux mesures impopulaires exigées par les créanciers, qu'il devra faire adopter par le Parlement au plus tard mercredi.

À peine rentré de Bruxelles, le premier ministre grec se retrouve confronté à une fronde au sein de son parti, la formation de gauche radicale Syriza.

Alexis Tsipras a reconnu mardi soir que l'accord avec les créanciers était un texte auquel «il ne croit pas», mais qu'il «a signé pour éviter le désastre au pays».

«J'assume mes responsabilités pour toute erreur que j'ai pu commettre, j'assume la responsabilité pour un texte auquel je ne crois pas mais que je signe pour éviter tout désastre au pays», a déclaré M. Tsipras lors d'une interview à la télévision publique grecque Ert, à la veille du vote crucial au Parlement d'un accord qui passe très mal.

Pour certains de ses représentants, l'accord arraché au terme d'une nuit de négociations constitue une trahison de la volonté populaire exprimée dans les urnes le 5 juillet, quand 61% des Grecs ont dit «non» à l'austérité.

Toutefois le gouvernement, comme l'avaient exigé lundi les autres États membres de la zone euro, a soumis au Parlement grec une première liste de mesures de rigueur douloureuses.

Ces mesures concernent surtout la hausse de la TVA et d'autres taxes visant à augmenter les recettes publiques, ainsi que l'introduction d'une règle d'or budgétaire.

Un deuxième volet de réformes devrait être voté d'ici le 22 juillet.

«Cet accord va passer avec les voix de l'opposition, pas avec celles du peuple», a prévenu le ministre de l'Énergie Panagiotis Lafazanis.

Ce dernier avait déjà rompu la solidarité gouvernementale avec plus d'une dizaine de députés vendredi en dénonçant les négociations à Bruxelles sur un nouveau plan de prêt au prix de nouvelles mesures de rigueur.

Face à cette contestation, M. Tsipras, soucieux de présenter un gouvernement en ordre de marche avant le nouveau vote de mercredi, n'exclut pas un éventuel remaniement après le vote des mesures par le Parlement, selon la télévision publique Ert.

Le premier ministre accordera à cette même chaîne un entretien d'une heure mardi, à 22 heures locales (15 h au Québec).

Aide d'urgence

Les partenaires européens d'Athènes s'efforcent pendant ce temps de trouver des financements d'urgence pour la Grèce, le temps qu'un nouveau plan d'aide, le troisième dont elle bénéficierait depuis 2010, soit formellement mis en place. Ce qui pourrait prendre au moins un mois.

Les diverses options sur la table s'avèrent toutes «difficiles à mettre en oeuvre sur le plan légal comme politique», a reconnu Valdis Dombrovskis, vice-président de la Commission européenne.

La Grèce doit trouver 12 milliards d'euros d'ici la fin août, y compris pour rembourser la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international (FMI). Dans la nuit de lundi à mardi, la Grèce a une nouvelle fois échoué à honorer un paiement au FMI.

L'État grec a néanmoins réussi mardi à rembourser 148 millions d'euros à des créanciers privés au Japon. Une goutte d'eau par rapport à une dette totale de près de 312 milliards d'euros.

Les banques grecques resteront elles fermées au moins jusqu'à mercredi, le temps que la BCE décide d'augmenter ou non leur ligne de crédit d'urgence, bloquée à 89 milliards d'euros.

Le feu vert des députés grecs n'est qu'un préalable. Il faudra ensuite que les parlements de plusieurs autres pays se prononcent, dont une commission du parlement finlandais jeudi et le Bundestag vendredi, avant de voir se concrétiser la promesse faite à la Grèce d'une nouvelle aide comprise entre 82 milliards et 86 milliards d'euros.

S'exprimant sur l'accord, le président français François Hollande a déclaré qu'à ses yeux, la Grèce n'avait pas été humiliée. «L'humiliation, c'eut été de la chasser de la zone euro», a-t-il dit.

Les places boursières européennes, après quatre séances de forte hausse, ont elles marqué le pas mardi, attendant d'être fixées sur le vote du Parlement grec.

Grève des fonctionnaires

Sur le plan intérieur, M. Tsipras doit pouvoir compter sur le soutien des voix des partis de l'opposition, essentiellement le Pasok (sociaux-démocrates), la Nouvelle Démocratie (conservateurs) et Potami (centre-gauche).

Quant au partenaire de Syriza dans la coalition gouvernementale, le parti des Grecs Indépendants (ANEL), il laissait mardi planer le doute sur son vote aux nouvelles mesures tout en indiquant la nécessité «de soutenir» le gouvernement.

Au sein de Syriza, l'aile modérée faisait tout mardi pour éviter une rupture aux conséquences lourdes pour l'avenir du gouvernement.

Lors du comité central du parti mardi matin, son secrétaire Tassos Koronakis s'est engagé à tout faire «pour sauvegarder l'unité», en indiquant qu'il n'était pas favorable pour l'instant à des sanctions contre les récalcitrants.

Au-delà de son parti, M. Tsipras devra prendre garde aux réactions de son électorat, en particulier des syndicats.

Il sera confronté mercredi, jour du vote, à un appel à la grève du syndicat des fonctionnaires (Adedy), le premier depuis son arrivée au pouvoir en début d'année, et à des manifestations anti-rigueur lors du débat mercredi soir des mesures à l'Assemblée.

Athènes assure les dépôts bancaires et exclut «une décote»

L'accord de la zone euro sur un nouveau prêt à la Grèce, assure les dépôts des épargnants aux banques grecques et évite leur «décote», a indiqué mardi une source gouvernementale grecque.

«La création d'un fonds indépendant des actifs grecs», prévue par l'accord adopté lundi à Bruxelles, «assure les dépôts» et évite «une décote, un "bail in"», s'est félicité cette source.

Selon la décision prise à l'arraché lundi par les 19 pays de la zone euro et portant sur un troisième plan d'aide à la Grèce estimé entre 82 et 86 milliards d'euros, l'État grec doit transférer ses actifs à ce fonds, qui doit ensuite les «monétiser», soit en les vendant, soit en les exploitant de manière la plus rentable possible.

L'objectif est de collecter 50 milliards d'euros sur toute la durée du prêt convenu.

La moitié de ces hypothétiques recettes de 50 milliards d'euros, qui représentent entre un cinquième et un quart du produit intérieur public grec, doit aller à la recapitalisation des banques, 12,5 milliards d'euros sont destinés au désendettement et 12,5 milliards d'euros à des investissements.

«Ce fonds doit fonctionner comme une garantie pour la recapitalisation des banques et par conséquent pour leur protection», a assuré la source gouvernementale.

Le Parlement grec prévoit également «d'activer la directive européenne qui garantit les dépôts jusqu'à 100 000 euros», a ajouté cette source.

Adoptée par l'UE lors de la crise à Chypre en 2013, où un contrôle des capitaux avait alors été imposé, cette directive vise à assurer les dépôts de moins de 100 000 euros. À l'époque, une décote avait toutefois été imposée à Chypre pour des dépôts dépassant cette somme.

Depuis l'introduction il y a vingt jours du contrôle des capitaux en Grèce et de la fermeture des banques, certains médias ont rapporté qu'une décote des dépôts pourrait intervenir comme cela s'était passé à Chypre.

Certains commerçants ont même indiqué que les achats des produits électroménagers ou des produits précieux, comme des montres ou téléphones portables, avait augmenté ces derniers jours, certains consommateurs ayant peur de perdre leurs dépôts.