L'Union européenne et le Fonds monétaire international ont mis une forte pression sur la Grèce jeudi, à trois jours du référendum sur le plan des créanciers d'Athènes, le FMI publiant des chiffres épouvantables sur les finances publiques de ce pays.

Le FMI a publié un rapport imprévu, réduisant de 2,5% à 0% ses prévisions pour la croissance grecque cette année, et encore sans tenir compte de la mise sous contrôle des capitaux depuis lundi en Grèce.

Il a imputé la situation aux changements politiques survenus «plus tôt cette année» dans ce pays, dans une allusion à l'arrivée au pouvoir du parti de la gauche radicale Syriza fin janvier.

Pour ajouter à la confusion, le FMI a prédit que la Grèce aurait besoin d'une nouvelle aide européenne de 36 milliards d'euros dans les trois ans, même si elle acceptait dimanche le plan des créanciers soumis à référendum, et d'une forte restructuration de sa dette, dont l'UE devrait alors supporter la charge.

Le porte-parole du gouvernement grec, Gabriel Sakellaridis, a voulu considérer le verre à moitié plein, notant que «le rapport du FMI donne pleinement raison au gouvernement grec» au sujet de la dette.

Il a considéré ce rapport comme «un échec» des plans d'aide à la Grèce, en vigueur depuis 2010, et qui se sont terminés mardi par le non-paiement d'une somme de 1,55 milliard d'euros due au FMI.

La campagne éclair pour ce référendum, annoncé le week-end dernier, a ainsi vraiment débuté jeudi, par cette pression sur le gouvernement.

La question posée aux Grecs dimanche est simple en apparence: êtes-vous d'accord avec la proposition des créanciers faite en date du 25 juin ?

Pour le gouvernement, qui n'a aucune intention de sortir de la zone euro, un non servirait surtout à être «mieux armé» pour la poursuite des négociations avec les créanciers.

Mais ces derniers soutiennent qu'un non équivaudrait à un choix contre l'euro, de quoi impressionner des Grecs déjà très inquiets de la situation.

Même le président français François Hollande, parmi les plus compréhensifs pourtant, a estimé que si le non l'emportait, on entrerait «dans une forme d'inconnu».

«La situation se dégrade en raison du comportement du gouvernement grec», a affirmé le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem.

«Selon moi, la Grèce ne sortira pas de l'euro, elle fera tout pour parvenir à un accord», a toutefois pronostiqué jeudi soir le chef du gouvernement italien Matteo Renzi. «Quoi qu'il arrive, la Grèce devra retourner à la table des négociations et négocier un programme d'aide», a-t-il ajouté.

Varoufakis sûr d'un accord après le référendum

Face à cette pression, M. Tsipras a promis que son pays resterait «uni» à l'issue du scrutin, après le non qu'il espère.

Le premier ministre n'a toutefois pas voulu jeudi dire ce qu'il adviendrait de son gouvernement si le oui l'emportait au référendum alors qu'il fait campagne pour le non.

Interrogé par la chaîne de télévision ANT1 sur ce qui allait se passer en cas de victoire du oui, il a laconiquement répondu: «Le choix du peuple grec sera respecté, je vais mettre en route la procédure prévue par la Constitution».

Yanis Varoufakis, le ministre grec des Finances, a de son côté clairement annoncé sur Bloomberg TV qu'il ne serait plus à son poste en cas de victoire du oui.

M. Varoufakis a par ailleurs estimé, dans une interview à la chaîne de télévision BBC News, qu'il y avait «100% de chances» qu'un accord soit trouvé avec les créanciers d'Athènes après le référendum. «Un accord sera trouvé que ce soit un +oui+ ou un +non+ qui sorte des urnes», a-t-il déclaré.

M. Varoufakis, qui a appelé les Grecs à voter contre le plan des créanciers, a durement critiqué la politique de l'UE. «Nous avons un très mauvais système de gouvernance en Europe. Ce n'est pas la bonne manière de diriger une union monétaire. C'est une parodie. C'est une comédie des erreurs depuis maintenant cinq ans», a dit le ministre des Finances.

Le président du Parlement européen Martin Schulz a quant à lui dit s'attendre à la nomination d'un «gouvernement de technocrates» en Grèce en cas de victoire du oui et de démission du gouvernement Tsipras.

De nouvelles élections s'imposeront «si le peuple grec vote pour le programme de réformes et donc en faveur du maintien dans la zone euro et si Tsipras, de façon logique, démissionne», a déclaré M. Schulz dans un entretien avec le quotidien des affaires Handelsblatt.

Dans cette hypothèse, la continuité pendant la période menant aux élections devrait être assurée par «un gouvernement de technocrates, pour que nous puissions continuer à négocier», a-t-il estimé.

Le ministre grec des Affaires étrangères, Nikos Kotzias, a tenté d'alléger l'atmosphère en lançant, à l'issue d'une réunion avec son homologue belge Didier Reynders: «Lundi, nous nous marierons, nous vivrons heureux et aurons beaucoup de discussions».

Le non prôné par le gouvernement grec, c'est-à-dire un rejet des propositions des créanciers, qui était en tête ces derniers jours avec une marge de plus en plus faible (57%/30% puis 46%/37% depuis dimanche), aurait désormais cédé la place au oui, à en croire un sondage ayant donné lieu à des fuites dans les médias grecs.

Les Grecs paraissaient en tout cas se lasser du contrôle des capitaux, qui les oblige à limiter leurs retraits bancaires à 60 euros par jour. Un début de pénurie de billets de 20 euros a été constaté, ainsi qu'un ralentissement du commerce.

Des milliers de partisans du parti communiste (KKE), 6.000 selon la police, ont manifesté dans le centre d'Athènes jeudi soir, ce parti appelant à s'opposer au gouvernement en glissant des bulletins nuls dans les urnes au référendum.

La Bourse de Tokyo a ouvert vendredi sur une tonalité hésitante, les acteurs du marché optant pour une position attentiste à deux jours du référendum en Grèce.

Tsipras promet que le pays «sera uni» au lendemain du référendum

Le premier ministre grec Alexis Tsipras a appelé jeudi les Grecs «à l'unité nationale» pour «surmonter la difficulté temporaire» que traverse le pays, et promis qu'au lendemain du référendum de dimanche, le pays «sera uni».

«Au lendemain du référendum, nous serons tous unis» pour essayer de surmonter «la difficulté temporaire» que le pays traverse, a indiqué Alexis Tsipras à l'issue d'un entretien avec Panos Kammenos, ministre de la Défense et dirigeant du parti souverainiste des Grecs Indépendants (Anel).

Anel participe à la coalition gouvernementale avec la gauche radicale Syriza du premier ministre depuis les législatives de janvier.

Cet appel à l'unité nationale intervient à trois jours du référendum décidé par le gouvernement et portant sur de nouvelles mesures d'austérité proposées par les créanciers du pays UE et FMI. Cette perspective a fortement divisé les électeurs en Grèce, le oui ayant été assimilé par les créanciers à la poursuite de l'orientation «européenne» du pays, le non à une éventuelle sortie du pays de l'euro (Grexit).

«Il faut «respecter la procédure démocratique et sauvegarder l'unité nationale», a souligné Alexis Tsipras.

Alors que le premier ministre a appelé mercredi les électeurs à voter non, trois députés des treize de l'Anel ont clairement pris position jeudi contre la décision d'organiser un référendum et pour le «oui», sur fond de rumeurs de dissensions au sein de la majorité.

«Je demande au président de la République de convoquer les chefs de parti et d'annuler le référendum, nous n'avons pas pour mandat de fermer les banques et d'opérer des saisies sur les dépôts bancaires», a ainsi indiqué le député ANEL Vassilis Kokkalis, sur la radio ANT1.

Varoufakis met son poste en jeu

Le ministre des Finances Yanis Varoufakis a été jeudi le premier dirigeant grec à clairement signifier qu'il démissionnerait si le oui l'emportait au référendum prévu dimanche, dont la campagne électorale a enfin clairement commencé, avec de premières fractures dans la majorité.

Interrogé par la télévision Bloomberg TV, M. Varoufakis, auquel on demandait : «Si le oui l'emporte, lundi vous ne serez plus ministre des Finances?», a répondu : «Je ne le serai plus».

Juste avant, sur une télé australienne, il avait déclaré, s'agissant du gouvernement tout entier, «nous pourrions démissionner» en cas de oui.

Mais, visiblement dans l'esprit d'apaisement que le gouvernement grec semble décidé à insuffler à cette consultation - pour tenter de rallier au non les plus anxieux - M. Varoufakis a précisé qu'une telle démission se ferait «en esprit de coopération avec ceux qui prendront le relais après nous».

Il était donc toujours difficile jeudi d'être sûr du sort que comptait se réserver le gouvernement Tsipras, en cas de défaite. Le premier ministre s'était contenté de déclarer, lundi, qu'il ne comptait pas rester «qu'il pleuve ou qu'il vente».

Samedi dernier, à l'issue de l'Eurogroupe suivant l'annonce du référendum, M. Varoufakis avait évoqué déjà, en cas de oui, un possible «remaniement ou quelque autre reconfiguration au niveau du gouvernement».

En somme, seul M. Varoufakis se déclare clairement partant en cas de défaite, comme si l'attitude du reste du gouvernement dépendait encore de l'ampleur de celle-ci.

Ainsi, le vice-président du Parlement Alexis Mitropoulos a estimé jeudi que «le premier ministre doit rester en place même si le vote est un oui aux mesures» des créanciers.

Les partenaires de la Grèce s'expriment clairement en faveur du oui: «Si c'est le oui, la négociation peut très facilement s'engager. Si c'est le non, on rentre dans une forme d'inconnu. C'est aux Grecs de répondre», a déclaré jeudi le président de la République François Hollande.

Après la décision des créanciers (UE, BCE, FMI) de ne plus chercher à toute force un accord avec les Grecs jusqu'à l'issue de référendum, l'issue de celui-ci était revenue jeudi au coeur des préoccupations.

Le oui grimpe dans les sondages

Selon un premier sondage paru mercredi, le non prôné par le gouvernement, c'est-à-dire un rejet des propositions des créanciers, était en tête.

Mais il a perdu du terrain, selon le même sondage, entre l'annonce du référendum et celle d'un strict contrôle des capitaux, qui oblige les Grecs à limiter leurs retraits bancaires à 60 euros par jour : cette contrainte commence en effet à être assortie de tracas, allant d'un début de pénurie de billets de 20 euros à un ralentissement visible de l'activité du commerce.

Entre les deux dates, le clivage non/oui est passé de 57%-30% à 46%-30%, avec de nombreux indécis. Et un autre sondage, encore officieux jeudi midi, mais divulgué sur les réseaux sociaux, montrait le oui légèrement en tête.

Dans la rue, les panneaux pro-non (Oxi, «ochi») voisinaient avec les affiches pro-oui (Nai, «né») dans tout Athènes, et le référendum nourrissait toutes les conversations, à égalité avec les questions pratiques liées aux restrictions bancaires.

Une brèche de taille est cependant apparue jeudi dans la majorité : trois des 13 députés du parti souverainiste de droite ANEL, partenaire de coalition de Syriza, ont pris position contre le référendum et pour le oui.

L'un deux, Vassilis Kokkalis, a solennellement demandé sur la radio ANT1 au président de la République «de convoquer les chefs de parti et d'annuler le référendum», car «nous n'avons pas pour mandat de fermer les banques et d'opérer des saisies sur les dépôts bancaires».

Les institutions créancières ont aussi pris le parti d'attendre l'issue de toute cette séquence avant d'agir éventuellement contre la Grèce, malgré le paiement manqué de 1,5 milliard d'euros de la Grèce au FMI mardi.

«Ce n'est clairement pas une très bonne nouvelle mais le FMI est solide», a ainsi réagi mercredi la directrice générale du Fonds Christine Lagarde, tout en espérant «fortement» aplanir ce différend financier avec Athènes.

Mercredi soir de son côté, la BCE a maintenu son aide d'urgence (ELA) aux banques grecques.

Enfin le FESF (Fonds européen de stabilité financière), auquel la Grèce doit 131 milliards d'euros qui pourraient être immédiatement exigibles après l'incident avec le FMI, devait se réunir dans les prochaines heures.

«On rentre dans une forme d'inconnu», dit Hollande

Le président de la République François Hollande a estimé jeudi que si le non l'emportait en Grèce lors du référendum dimanche portant sur l'acceptation de nouvelles réformes voulues par les créanciers, on entrerait «dans une forme d'inconnu».

«Si c'est le oui, la négociation peut très facilement s'engager. Si c'est le non, on rentre dans une forme d'inconnu. C'est aux Grecs de répondre», a déclaré M. Hollande, répondant à une question lors d'une conférence de presse au Bénin, dans le cadre d'une tournée africaine.

PHOTO LOUISA GOULIAMAKI, AFP

Des partisans du «oui» à Athènes.

Difficile de revenir à la drachme, dit Varoufakis

La Grèce n'est pas en mesure d'imprimer des drachmes, car «les presses ont été détruites», a souligné Yanis Varoufakis, pour qui la question ne se pose de toute façon pas car «nous voulons désespérément rester dans l'euro».

«Nous n'avons pas la capacité» d'imprimer des drachmes, a indiqué M. Varoufakis jeudi, à la radio publique australienne ABC.

En 2000, a-t-il expliqué, un an avant que la Grèce ne rejoigne la zone euro, «une des mesures que nous avons prises a été de nous débarrasser de toutes nos presses».

«L'union monétaire est irréversible», a de nouveau insisté le ministre.

La tension montée ces derniers mois entre Athènes, qui affiche déjà un retard de paiement au FMI, et ses créanciers, qui a abouti ce week-end à l'annonce d'un référendum, fait craindre que la Grèce ne soit plus techniquement en mesure de rester dans l'euro, et doive retourner à son ancienne monnaie.

Ses dirigeants actuels, et notamment M. Varoufakis, insistent cependant sur leur volonté absolue de ne pas quitter l'union monétaire, et le ministre des Finances souligne à chaque fois que cela n'est de toute façon pas juridiquement possible.

Encore jeudi, sur Bloomberg TV, il a répété: «Nous voulons désespérément rester dans l'euro, même si nous critiquons son cadre institutionnel».