Un courtier de Londres a été arrêté mardi pour manipulation sur le marché des contrats à terme électroniques aux États-Unis, ayant contribué au mini-krach de mai 2010 à Wall Street qui avait attiré l'attention sur les dérives du courtage à haute fréquence.

Selon le département de la justice américain et la CFTC, l'autorité américaine des produits dérivés, Navinder Singh Sarao, 37 ans, a été arrêté en Angleterre par Scotland Yard mardi matin. Les États-Unis ont demandé son extradition.

Parmi une vingtaine de chefs d'accusation, il est poursuivi pour fraude électronique et manipulation de contrats à terme sur le Chicago Mercantile Exchange.

Il est aussi soupçonné de «spoofing», une technique de manipulation boursière et d'usurpation qui consiste à prétendre vouloir acheter ou vendre un titre dans l'intention d'annuler cette opération au dernier moment.

L'ampleur de la fraude, menée sur plusieurs années, lui a rapporté 40 millions de dollars, a précisé mardi à Washington le directeur du département des poursuites de la CFTC, Aitan Goelman, lors d'une conférence de presse téléphonique.

Selon lui, le courtier a opéré sur les marchés entre 2010 et jusqu'au début de 2015 et ses ordres massifs sur les contrats à terme électroniques (E-minis) ont contribué au «Flash crash» du 6 mai 2010.

Ce jour-là, dans un contexte de forte volatilité alors que déjà des inquiétudes pesaient sur la dette grecque, l'indice Dow Jones s'était écroulé de 600 points en quelques minutes après une chute des prix des E-minis.

Ces contrats à terme électroniques sont basés sur l'indice Standard and Poors 500. Un rapport du gendarme boursier, la SEC, à l'époque avait mentionné que 140.000 ordres de ventes d'E-minis s'étaient bousculés au même instant conduisant par ricochet à un décrochage brutal de Wall Street.

Immédiatement, les autorités boursières américaines s'étaient interrogées sur cette panique d'ampleur historique où des titres comme celui de Procter and Gamble avaient perdu 24%.

Trompant humains et algorithmes

Fait inédit, le Nasdaq avait même été contraint d'annuler les transactions résultant en une baisse de 60% du prix de certaines actions en l'espace de 20 minutes ce jeudi-là entre 14H40 et 15H00. Mises à l'index, plusieurs maisons de courtage utilisant ces techniques de spéculation à grande vitesse, à l'aide d'outils informatiques complexes, avaient cessé leurs programmes quand le marché s'était mis à dévisser. Des rumeurs avaient aussi évoqué l'erreur d'un courtier de Citigroup qui aurait tapé «milliards» au lieu de «millions» en passant un ordre.

Le lendemain, le président Barack Obama avait promis de protéger les investisseurs et de faire en sorte que cela ne se reproduise pas».

Cinq ans plus tard, les autorités américaines ont donc annoncé l'arrestation de celui qu'elles tiennent comme un des responsables de cette panique. Interrogé sur la longueur de cette enquête, le responsable de la CFTC n'a pas fait de commentaire mardi, déclarant seulement que l'arrestation montrait «que le fait de manipuler les marchés loin des frontières américaines ne protégeait pas des poursuites».

Usant d'un logiciel électronique, M. Sarao est soupçonné d'avoir employé une stratégie dite de «superposition» en plaçant simultanément de multiples ordres de grande ampleur à différents prix, créant l'illusion d'un marché très actif et bien réel. Les ordres étaient fréquemment modifiés pour rester proches des prix du marché et régulièrement annulés pour éviter de les exécuter.

Mais leur ampleur «trompaient les autres participants du marché, qu'ils soient humains ou algorithmiques», a expliqué le responsable de l'autorité américaine des marchés des contrats à terme et des matières premières (CFTC).

Quand les prix fondaient du fait de ces ordres de vente massifs, M. Sarao rachetait ces E-minis à bas prix et les revendait lorsque le marché rebondissait, a également expliqué le département américain de la justice.

Ainsi le 6 mai 2010, lors de la séance du «Flash crash», M. Sarao était «très actif» sur le marché, a encore affirmé la CFTC.

Ses seuls ordres à la vente ont dépassé «de façon significative» les ordres d'achat «créant un déséquilibre qui fut à l'origine du krach», a conclu M. Goelman.