En pleine discussion financière serrée avec ses partenaires de l'UE, le premier ministre grec Alexis Tsipras a surpris mardi en annonçant qu'il se rendrait à Moscou en avril, alors qu'il doit aussi y aller en mai pour des commémorations.

«Le premier ministre Alexis Tsipras se rendra au Kremlin le 8 avril à l'invitation du président russe Vladimir Poutine», a annoncé une source gouvernementale, sans aucun détail.

Or M. Tsipras, issu du parti de gauche radicale Syriza, a déjà prévu de se rendre à Moscou le 9 mai pour les cérémonies de commémoration des 70 ans de la victoire des alliés sur l'Allemagne nazie.

Le plus gros quotidien du pays, Ta Nea, a fait le lien avec les graves difficultés auxquelles se prépare Athènes si la Grèce ne trouve pas dans les jours à venir un accord, prêts contre réformes sérieuses, avec ses créanciers européens.

Selon d'autres journaux, M. Tsipras pourrait demander à Moscou d'exempter les produits grecs de l'embargo sur les produits agricoles européens : un prêté pour un rendu, les nouvelles autorités grecques s'étant dès leur arrivée opposées à une aggravation des sanctions contre Moscou dans le cadre du dossier ukrainien.

Les Grecs ont aussi annoncé la visite à Moscou, de mardi à vendredi, du vice-ministre de la Défense Kostas Isichos. Une visite destinée à «renforcer les relations» entre les deux pays, déjà liés par «une longue histoire commune», selon le communiqué.

Et la Chambre de commerce de Thessalonique a signé un protocole d'accord avec la chambre Grèce-Russie, là encore pour «renforcer les relations économiques bilatérales».

La Grèce veut-elle suggérer qu'en cas de désaccord avec l'UE, elle pourrait se réfugier dans les bras de Moscou? Le 11 février, lors d'une visite en Russie du ministre des Affaires étrangères grec Nikos Kotzias, son homologue russe Sergueï Lavrov avait déclaré : «si le gouvernement grec s'adresse à nous» pour des raisons financières, «cet appel sera examiné».

Erik Nielsen, d'Unicredit, en doutait ce week-end : «La Russie pourrait en caresser l'idée, mais enfin, on ne peut pas dire qu'elle nage dans l'opulence ces derniers temps».

Le flirt avec Moscou peut néanmoins faire réagir les États-Unis, qui soulignent systématiquement l'importance géostratégique de la Grèce aux portes de l'Europe, et les inciter à pousser l'UE à trouver un accord avec Athènes.

«Rappelez-vous le cas de Chypre»

Mardi, M. Tsipras devait rencontrer à Athènes Victoria Nuland, assistante du Secrétaire d'État américain pour l'Europe et l'Eurasie.

Le premier ministre, qui croit à un règlement politique du dossier grec, fera lui sa première visite à Berlin lundi, pour rencontrer la chancelière allemande Angela Merkel.

En marge du sommet des chefs d'État et de gouvernement, jeudi et vendredi à Bruxelles, il pourrait aussi obtenir un rendez-vous avec les grands dirigeants européens : Mme Merkel, le président français François Hollande, le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker et celui de la Banque centrale européenne Mario Draghi.

Le président du Parlement européen Martin Schulz a dit mardi croire à un accord sur la Grèce «cette semaine», et assuré que l'UE ne se préparait pas à une sortie de la Grèce de l'euro.

Les médias grecs commentaient abondamment mardi soir des propos du chef de l'Eurogroupe Jeroen Dijsselbloem qui a remarqué sur la radio néerlandaise BNR «qu'un pays qui a des problèmes n'a pas forcément à sortir de l'euro».

«Rappelez-vous le cas de Chypre», a-t-il lancé, qui avait dû décréter du jour au lendemain en mars 2013 un sévère contrôle des capitaux pour éviter leur fuite du pays. «Toutes sortes de scénarios sont imaginables», a ajouté M. Dijsselbloem.

Le porte-parole du gouvernement Gabriel Sakellaridis l'a sèchement invité en retour à «rester dans son rôle institutionnel».

Pendant ce temps, des discussions techniques continuaient par téléphone entre experts de l'Eurogroupe, alors que les caisses grecques sont bientôt vides et que les projets de réformes d'Athènes n'ont pas encore convaincu l'UE de débourser les 7,2 milliards d'euros de prêts restant à verser dans le cadre de son programme d'aide au pays.

Parallèlement, Athènes évoque un mystérieux «accord entre MM. Juncker et Tsipras» sur un «plan spécial de 2 milliards d'euros pour 2015» visant à combattre «la crise humanitaire, le chômage et relancer l'économie en Grèce». Des discussions se tenaient à Bruxelles sur ce sujet mardi, selon la Grèce.

L'exécutif grec continue parallèlement à avancer sur un chemin qui ne plaira pas forcément à ses partenaires : mardi, il a annoncé vouloir allouer les futures recettes de privatisations aux caisses de retraite et non au remboursement de la dette. Et préparer un audit pour voir si une partie de cette dette ne pourrait pas être déclarée «illégale»...