L'Égypte organise à partir de vendredi une conférence économique internationale pour attirer les capitaux étrangers et qui vise plutôt à asseoir le pouvoir du président Abdel Fattah al-Sissi, critiqué sur les droits de l'Homme, mais fer-de-lance de la lutte contre les djihadistes.

Les chefs de la diplomatie américaine, John Kerry, et britannique, Philip Hammond, ont annoncé leur venue au dernier moment, confortant le sentiment que Sissi, l'ex-chef de l'armée qui a destitué le président islamiste Mohamed Morsi en 2013 et réprime violemment toute opposition, est un allié incontournable dans le monde arabe, où le groupe État islamique (EI) grignote du terrain en Égypte et en Libye après la Syrie et l'Irak.

Car les experts n'attendent ni promesses de dons ni annonces fracassantes de cette conférence intitulée «Égypte, l'avenir», ouverte initialement aux ministres des Finances et aux patrons des grands groupes internationaux. La grande majorité des contrats ou projets qui y seront signés ou annoncés sont déjà sur les rails de plus ou moins longue date.

La conférence doit débuter vendredi en fin de journée à Charm el-Cheikh, station balnéaire du Sinaï en bordure de la Mer rouge, et s'achever dimanche. Mais M. Kerry arrivera à l'aube vendredi et doit discuter avec M. Sissi «d'un éventail de sujets bilatéraux et mondiaux, notamment les efforts de la coalition contre l'État islamique, la situation en Libye et la crise en cours en Syrie», selon le département d'État.

Washington, comme d'autres capitales occidentales, fait mine de s'émouvoir de la sanglante répression menée contre les partisans de M. Morsi, premier président élu démocratiquement, mais les États-Unis ont rapidement admis qu'ils ne pouvaient pas bouder le plus peuplé et mieux armé des pays arabes face aux djihadistes.

M. Sissi est le principal chef d'État de la région qui réclame la formation d'une force arabe commune pour faire face à cette menace, au menu du sommet de la Ligue Arabe fin mars. Et il a lancé récemment ses avions de combat dans un raid contre l'EI en Libye.

Les autorités égyptiennes ont annoncé la participation à la conférence économique de 80 pays et 23 groupes ou organismes internationaux.

«Le niveau de représentation des pays occidentaux sera scruté à la loupe, l'Égypte veut montrer qu'elle revient en force sur la scène internationale», commente un diplomate occidental, selon qui M. Sissi veut projeter l'image d'un pouvoir fort ayant su rétablir la sécurité et la stabilité.

Attentats

Son objectif pourrait cependant être contrarié par les attentats meurtriers revendiqués quasi quotidiennement par des djihadistes visant la police et l'armée en représailles, selon eux, à la répression. Policiers et soldats ont tué plus de 1400 manifestants pro-Morsi depuis 2013 et emprisonné plus de 15 000 sympathisants islamistes.

Un attentat qui aurait lieu pendant la conférence serait «un double échec» pour l'Égypte, estime le diplomate.

«Premièrement, il attirera l'attention des médias et éclipsera le sommet, deuxièmement il viendra contredire le discours affiché et le plan média de cette conférence consistant à dire que la sécurité et la stabilité ont été restaurées», estime-t-il.

Les attentats les plus meurtriers sont revendiqués par la branche égyptienne de l'EI, dont le nord-Sinaï est le bastion.

Jeudi, des soldats masqués de la garde présidentielle ont pris ostensiblement position dans la salle des conférences de Charm el-Cheikh et la zone qui l'entoure, et des blindés au sommet des dunes du désert surplombent la ville. Tout véhicule passait par le crible de nombreux points de contrôle.

Les organisations internationales de défense des droits de l'Homme accusent M. Sissi de diriger un pouvoir «plus répressif» encore que celui de Hosni Moubarak, chassé du pouvoir par une révolte populaire en 2011, et l'ONU s'émeut régulièrement de condamnations à mort par centaines dans des procès de masse expéditifs.

Mais l'Égypte, au bord du gouffre économiquement, a aussi besoin des investisseurs étrangers, échaudés pour l'heure par les attentats. M. Sissi se prépare à promulguer une loi pour faciliter les investissements, alors que les autorités espèrent atteindre un taux de croissance de 4,3% pour l'année 2015/2016, contre 2% de moyenne sur les quatre années qui ont suivi la révolte de 2011.