Déterminée à contrer le risque de déflation et à stimuler l'économie de la zone euro, la Banque centrale européenne (BCE) a annoncé jeudi des rachats massifs de dette, qui s'élèveront à au moins 1140 milliards d'euros.

Le conseil des gouverneurs «a décidé de lancer un programme élargi de rachats d'actifs» publics et privés, a annoncé M. Draghi au cours de sa conférence de presse à Francfort, lançant une offensive monétaire très attendue face à la faiblesse récurrente de l'évolution des prix dans la zone euro.

Ces rachats d'actifs seront échelonnés à raison de 60 milliards d'euros par mois à partir de mars 2015.

Dans le détail, ce programme sera mené de manière sûre «jusqu'à fin septembre 2016» et en tout cas jusqu'à ce que le Conseil des gouverneurs observe un ajustement durable de l'évolution de l'inflation», a dit le président. La BCE a pour objectif une inflation légèrement inférieure à 2%.

L'essentiel des rachats sera mis en oeuvre par les banques centrales nationales des 19 pays de la zone euro, et seuls 20% des titres achetés seront soumis à une mutualisation des risques, c'est-à-dire que les pertes éventuelles qui en découleront seront assumées in fine par tous les contribuables de la zone euro.

Pas la panacée

Version moderne de la planche à billets, un tel programme d'«assouplissement quantitatif» est souvent désigné par son acronyme anglo-saxon «QE».

Déjà utilisé par la Banque centrale du Japon et la Fed américaine, il vise à peser sur les taux d'intérêt, afin de relancer l'activité économique par le biais du crédit, et faire remonter les prix.

Soumis à controverse sur ses effets, le choix de mettre en place «maintenant» ce programme de rachats d'actifs a été pris «à une large majorité, mais pas à l'unanimité» du conseil des gouverneurs de la BCE, a précisé Mario Draghi.

«Mario Draghi ne nous a pas déçus, maintenant la fête peut commencer», ont commenté les économistes de Natixis.

Peu après les annonces de la BCE, le taux d'emprunt français à 10 ans a inscrit un plus bas historique, dans le sillage de l'Espagne et de l'Italie, et l'euro est reparti à la baisse face au dollar atteignant ses plus bas niveaux depuis septembre 2003.

«La BCE a répondu aux attentes mais ce ne sera pas la panacée», a commenté Jonathan Loynes, économiste chez Capital Economics, estimant notamment que ce partage des risques pourrait réduire le bénéfice du programme pour les pays européens fortement endettés.

Les gouvernements appelés à agir

Mario Draghi a pour sa part assuré que ces rachats de dette allaient contribuer à tirer les prix vers le haut, avec une inflation qui devrait «progressivement augmenter ultérieurement en 2015 puis en 2016». En décembre, l'inflation dans la zone euro est passée en territoire négatif (-0,2%), une première depuis 2009, essentiellement sous l'effet de la chute des cours du pétrole, faisant croître les craintes de déflation.

Le président de la BCE a d'ailleurs enjoint les gouvernements de la zone euro et la Commission européenne à ne pas se reposer sur la politique monétaire, mais à agir de leur côté pour soutenir l'économie.

«La politique monétaire peut créer les bases pour la croissance, mais pour que la croissance s'affermisse il faut de l'investissement», et c'est aux politiques d'en favoriser les conditions, a-t-il estimé.

La directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) Christine Lagarde, a de son côté jugé «essentiel» que des réformes structurelles soient en parallèle lancées en Europe pour «doper le potentiel de croissance».

«Il reste essentiel que cette politique accommodante soit soutenue au bon moment par de vastes mesures politiques dans d'autres domaines, surtout des réformes structurelles destinées à doper le potentiel de croissance», a affirmé Mme Lagarde, dans un communiqué, tout en assurant qu'elle «saluait» l'action de la BCE.