La zone euro se dirige tout droit vers la déflation après la baisse des prix observée en décembre pour la première fois depuis cinq ans, mettant plus que jamais la Banque centrale européenne sous pression pour qu'elle injecte massivement des liquidités dans le système financier.

Les prix ont baissé de 0,2% en décembre dans la zone euro sous l'effet de la chute de 6,3% des prix de l'énergie, selon une première estimation publiée mercredi par l'office européen de statistiques Eurostat.

Les économistes s'attendaient à cette inflation négative, mais anticipaient une baisse de 0,1% seulement.

Si elle se prolonge, la zone euro entrera dans une période de déflation, un phénomène craint par les économistes car pouvant entraîner un cercle vicieux de baisse des prix, de la production, des salaires et de la consommation qui empêche l'économie de redémarrer.

Un scénario écarté par la Commission européenne pour l'instant. «Une période d'inflation basse devrait se poursuivre à court terme, mais nous nous attendons à ce qu'elle accélère à nouveau au fur et à mesure que l'économie se renforcera et que les salaires augmenteront», a déclaré mercredi une porte-parole.

Un optimisme que tout le monde ne partage pas. «Avec la baisse marquée des prix du pétrole qui pourrait atteindre de nouveaux records et une pression sous-jacente sur les prix qui reste limitée par la faiblesse de l'activité économique, il semble de plus en plus probable que la zone euro s'apprête à connaître plusieurs mois de déflation», prédit Howard Archer, d'IHS Global Insight.

«Sombre nouvelle» pour la BCE

L'union monétaire avait connu une période de déflation entre juin et octobre 2009, en pleine crise financière. Mais pour Jonathan Loynes, de Capital Economics, la déflation qui s'annonce pourrait «durer plus longtemps et s'avérer plus néfaste» si les prix de l'énergie ne repartent pas à la hausse. Il s'attend à une baisse des prix de 1% dans les premiers mois de 2015, qui pourrait se prolonger une bonne partie de l'année. Avec le risque de «détruire les efforts des pays périphériques pour consolider leur dette».

C'est une «sombre nouvelle» pour la Banque centrale européenne, juge M. Archer. Certes, l'inflation sous-jacente, considérée comme un indicateur plus pertinent car il ne prend pas en compte les prix les plus volatils --ceux de l'énergie et du secteur de l'alimentation, de l'alcool et du tabac--, a légèrement augmenté, à 0,8% contre 0,7% en novembre.

Mais cela ne doit être perçu que comme «un soulagement limité» pour la BCE car il s'agit d'un niveau déjà très bas, selon lui. «Les pressions déflationnistes vont bien au-delà du prix du pétrole», renchérit M. Loynes.

Dans ce contexte, l'institution de Francfort est plus que jamais attendue au tournant. Le 2 janvier, son président, Mario Draghi, avait reconnu que le risque de déflation n'était «pas exclu» tout en le jugeant «limité».

«Nous sommes en train de nous préparer techniquement pour modifier début 2015 l'ampleur, le rythme et le caractère des moyens à mettre en place s'il devenait nécessaire de réagir à une trop longue période d'inflation trop faible», avait-il expliqué.

L'institut monétaire pourrait décider de lancer un programme d'assouplissement quantitatif, sur le modèle de ce qu'a fait la Réserve fédérale américaine (Fed) ces dernières années, ce qui reviendrait à injecter des liquidités dans le système financier de la zone euro pour stimuler l'activité économique et l'inflation.

Le chiffre de décembre «ajoute à la pression déjà forte pour que la BCE déclenche l'assouplissement quantitatif lors de sa réunion du 22 janvier», insiste M. Archer. Son homologue de Capital Economics partage cette analyse, même s'il est «déjà trop tard pour éviter la déflation».

La pression en faveur d'une relance de la croissance vient aussi du chiffre du chômage, qui stagne à 11,5% dans la zone euro, selon les chiffres pour novembre publiés mercredi par Eurostat. La zone euro comptait 18,39 millions de chômeurs en novembre, soit 34 000 de plus qu'en octobre.