Les autorités ukrainiennes, acculées par l'état catastrophique de l'économie et par un coûteux conflit dans l'Est, se trouvent contraintes à une austérité de plus en plus dure aux airs de «thérapie de choc» pour sortir le pays de l'impasse et retrouver une crédibilité auprès de ses créanciers.

Une équipe du Fonds monétaire international (FMI) est arrivée mardi à Kiev pour élaborer avec le nouveau gouvernement un calendrier de mise en oeuvre des profondes mesures de restructuration économique que l'institution exige en contrepartie de son aide.

Le Fonds a accordé au printemps à Kiev une aide financière de 17 milliards de dollars, dans le cadre d'un plan de sauvetage de 27 milliards monté par les pays occidentaux.

Cette aide, dont 4,6 milliards de dollars ont déjà été versés, est pourtant d'ores et déjà insuffisante pour éviter le défaut de paiement de l'Ukraine. Le FMI a estimé après une visite en novembre que le pays aurait besoin de 19 milliards supplémentaires d'ici la fin 2015, alors que le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk appelle à une conférence internationale de donateurs.

Ces fonds sont cruciaux pour les autorités ukrainiennes, qui doivent notamment rembourser leur dette gazière envers la Russie et trouver une solution à la pénurie de charbon qui menace le pays à l'approche de l'hiver.

En récession quasi ininterrompue depuis plus de deux ans, l'Ukraine est minée par une grave crise économique, la chute de sa devise nationale, une corruption endémique et un coûteux conflit armé dans l'Est. Le PIB est attendu en chute d'au moins 7 % à la fin de l'année et l'inflation à plus de 25 %.

Pour Oleksandr Parachtchiï, analyste en chef chez Concorde Capital à Kiev, «la principale raison de cette situation est la détérioration des relations avec la Russie», le principal partenaire commercial de l'Ukraine avant la crise, «et les opérations militaires dans le Donbass», le bassin minier de l'Est en partie contrôlé par les rebelles prorusses.

«Aujourd'hui, le secteur bancaire ne travaille pas pour l'économie, mais uniquement pour sa propre survie», ajoute-t-il.

«Année de survie»

Arseni Iatseniouk a promis un budget d'une grande austérité pour 2015, avec des coupes dans «toutes les dépenses possibles», alors que la «tendance négative pour l'économie va se poursuivre pour les six premiers mois de l'année».

«Nous sommes prêts pour les changements les plus radicaux et les plus difficiles dont le pays a besoin», a lancé M. Iatseniouk lors son premier discours devant le nouveau Parlement le 2 décembre.

«Le premier ministre a clairement dit que l'année 2015 sera une année de survie. Tous les efforts seront concentrés à sauver l'économie, le secteur financier et éviter le défaut de paiement», résume M. Parashchiï.

Le ministre des Transports a quant à lui annoncé la privatisation des agences qui gèrent les routes et les voies ferrées en Ukraine, Ukravtodor et Ukrzaliznytsia, afin de «réduire la corruption».

Le volontarisme du gouvernement risque toutefois de se heurter à des mesures très impopulaires exigées par le FMI pour réduire le déficit public, telles que la hausse des tarifs de l'énergie et des coupes drastiques dans les dépenses sociales, dont la santé et l'enseignement.

«Attendre signifierait échouer»

«Si le gouvernement ukrainien décide d'une forte augmentation des tarifs des services publics, alors le pays se retrouvera avec une "thérapie de choc"» avertit Oleksandr Valtchychen, chef économiste chez Investment Capital Ukraine. «Mais sans ce "choc", l'Ukraine ne peut sortir du cercle vicieux de ses difficultés économiques.»

L'expert fait référence aux réformes radicales qui avaient assuré la transition de la Russie vers l'économie de marché, après la chute de l'URSS en 1991, mais plongé une partie de la population dans la pauvreté.

La tâche périlleuse d'élaborer ce budget a été confiée à deux étrangers, entrés dans le nouveau gouvernement quelques heures après avoir été naturalisés ukrainiens.

L'Américaine Natalie Jaresko, ancienne du département d'État américain et directrice de fonds d'investissement, est devenue ministre des Finances.

Le lituanien Aivaras Abromavicius, ex-cadre dirigeant d'un fonds suédois, a lui hérité du portefeuille de l'Économie, et a d'ores et déjà promis d'utiliser les «méthodes les plus radicales».

«Le Parlement semble enclin pour le moment à voter beaucoup de lois. Je ne vois aucune raison pour ne pas agir tout de suite de manière radicale. Attendre signifierait échouer», a-t-il déclaré la semaine dernière devant les journalistes.