Christine Lagarde va devoir montrer ses talents de contorsionniste: le raz-de-marée républicain aux élections américaines menace de porter un coup fatal à la réforme du FMI pour laquelle elle s'était dite prête à exécuter une «danse du ventre».

En usant de cette boutade début octobre, la patronne du Fonds monétaire international affichait sa détermination à convaincre le Congrès de ratifier la refonte de la gouvernance de l'institution, votée en 2010 mais dont l'entrée en vigueur reste suspendue au feu vert américain.

Le résultat des élections de mi-mandat aux États-Unis ne va pas lui faciliter la tâche. D'une grande méfiance vis-à-vis des organisations multilatérales, le camp républicain s'est emparé mardi du Sénat et contrôlera donc, à partir de janvier, les deux chambres du Congrès des États-Unis.

«Le changement dans le paysage politique américain n'est pas de bon augure pour un quelconque progrès de la réforme du FMI», assure à l'AFP Eswar Prasad, ancien membre de l'institution.

Depuis 2012, l'administration Obama cherche à convaincre les républicains d'adopter cette réforme, qui renforce le poids des pays émergents au sein du FMI et double ses ressources permanentes. Mais les deux tentatives menées cette année se sont soldées par un échec.

L'impatience grandit pourtant chez les pays émergents, de plus en plus critiques sur le manque de représentativité du Fonds. À l'heure actuelle, la Chine dispose de moins de 4% des droits de vote au sein de l'instance de direction du FMI, à peine plus que l'Italie dont l'économie est pourtant cinq fois plus petite.

En réaction, les pays des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ont créé leur propre fonds monétaire en juillet et vont profiter du prochain sommet du G20 mi-novembre en Australie pour taper de nouveau du poing sur la table, a prévenu vendredi le sherpa du président russe Vladimir Poutine.

Plan B

Le FMI, qui n'a pas souhaité faire de commentaires, est lui aussi pris d'une certaine fébrilité. Déjà attaqué sur sa légitimité, il est contraint de se reposer sur des ressources financières plus fluctuantes en attendant l'adoption de la réforme.

«La non-ratification va conduire à un affaiblissement du rôle joué par le Fonds en tant que pilier central du système financier international», prédit à l'AFP Domenico Lombardi, ancien membre du conseil d'administration du FMI.

Si la réforme n'est pas adoptée d'ici à la fin de l'année, le Fonds s'est engagé à présenter un «plan B» dont les contours restent vagues et qui pourrait nécessiter de nouvelles tractations entre ses 188 États membres.

Certains experts privilégient un autre plan de sortie: pousser pour une ratification américaine d'ici à la fin de l'année, avant que le nouveau Congrès américain ne commence à siéger.

«L'avantage, c'est que les actuels élus républicains sont plus conscients des enjeux de la réforme du FMI. Je ne dis pas qu'ils sont parfaitement informés mais ils sont mieux informés», assure à l'AFP Ted Truman, un ancien responsable du Trésor.

Les blocages partisans qui ont grippé le processus de ratification cette année pourraient, à court terme, s'atténuer maintenant que les élections sont passées.

«Ce qui a bloqué la réforme ce n'est pas tant l'opposition réelle à son contenu qu'une série de manoeuvres politiques internes qui ont peu à voir avec la réforme du FMI elle-même», affirme à l'AFP Douglas Rediker, ancien représentant américain au FMI.

En mars, certains élus républicains avaient toutefois refusé d'approuver cette réforme sur le fond, en notant qu'elle donnait plus de voix à des pays (Chine et Russie en tête) qui ne trouvent guère grâce à leurs yeux.

Ce texte conférerait au président russe Vladimir Poutine une «influence sans précédent au FMI», avait alors plaidé l'étoile montante du Parti républicain Ted Cruz.

La tâche ne s'annonce donc pas de tout repos. «Il va falloir un effort de coopération entre la Maison-Blanche, le Sénat et la Chambre des représentants pour travailler ensemble et comprendre combien cette réforme est importante», convient M. Rediker.