La chute des prix du pétrole vénézuélien à leur plus bas depuis 2010 met plus à mal encore les finances du gouvernement de Nicolas Maduro, qui pourrait être contraint de réaliser des ajustements économiques longtemps repoussés pour combattre un déficit budgétaire de plus de 15 % du PIB.

Vendredi, le baril de pétrole du Venezuela s'échangeait à 77,65 dollars, un plancher jamais atteint depuis novembre 2010.

Quelque 96 % des recettes en devises de l'État vénézuélien, assis sur les plus importantes réserves du monde, proviennent des exportations de pétrole.

Des analystes estiment que cette mauvaise conjoncture pourrait obliger le gouvernement à mener à bien des ajustements économiques repoussés ou seulement entamés pour relancer une activité économique asphyxiée par une pénurie de devises dans presque tous les secteurs productifs.

Afin de «freiner la chute des revenus», la situation «mérite des ajustements dans les accords énergétiques», le Venezuela cédant son pétrole à des tarifs préférentiels à des alliés politiques via l'organisation Petrocaribe ou l'Accord intégral avec Cuba, estime l'économiste Asdrubal Oliveros, directeur du cabinet Ecoanalitica.

Il insiste également sur l'importance d'être «plus agressif dans l'ajustement des taux de change», la monnaie nationale, le bolivar, étant largement surévaluée face au dollar.

Vendredi, le président socialiste Nicolas Maduro, héritier politique du défunt Hugo Chavez, qui avait fait de la redistribution de la manne pétrolière l'axe de sa politique, a annoncé que le gouvernement présenterait la semaine prochaine un budget 2015 établi sur la base de «60 dollars le baril».

Le président a également assuré que les autorités «serraient les boulons pour que pas un seul dollar ne soit utilisé là où il ne devrait pas l'être».

Cette estimation implique que le gouvernement disposera de moins de revenus pour alimenter ses fonds parallèles, qui ne figurent pas au budget de l'État, et utilisés à la discrétion du pouvoir.

Large corruption

Selon des calculs de M. Oliveros, pour que les finances publiques s'équilibrent sans devoir recourir à des hausses d'impôts ou une dévaluation, le baril devrait s'établir à 135 dollars, un niveau impensable dans la conjoncture actuelle.

En 2015, avec un prix moyen de 85 USD/baril, neuf de moins que la moyenne actuelle, la chute de revenus pour le Venezuela s'élèverait plus de cinq milliards de dollars, assure l'économiste.

«Cette baisse va obliger à sortir de cette zone de confort, avec des ajustements au ralenti en cette année électorale», explique-t-il, en allusion aux élections législatives de 2015.

Carlos Carcione, économiste membre de Marea Socialista (Marée socialiste) - un courant du chavisme critique envers le gouvernement - souligne que «pour 2014, les prix ne sont pas préoccupants, puisque la moyenne s'établira autour de 90 dollars». Le problème serait que le baril s'établisse à moins de 80 dollars sur une période prolongée.

M. Carcione souligne également qu'il «faudrait freiner le torrent de devises qui alimente la corruption», comme les 20 milliards de dollars alloués en 2012 à des entreprises fantômes, un scandale dénoncé même par le gouvernement.

Mais la nécessité d'instaurer des réformes économiques a été écartée par le président Maduro cette semaine : «À 82 (dollars le baril, en référence au prix affiché mercredi), cela continue d'être bon pour nous. À tel point que (...) nous allons afficher un excédent de revenus pétroliers», a-t-il affirmé.

Toutefois, M. Oliveros avertit que Nicolas Maduro ne bénéficie pas du même matelas que son prédécesseur lorsqu'il avait dû affronter en 2009 la crise mondiale et ses effets sur le pétrole, dont les prix avaient chuté jusqu'à 57 dollars.

«Aujourd'hui, il y a moins d'argent dans les fonds hors budget, il y a une importante dette commerciale et il n'y a plus la soupape du marché parallèle de devises», qui aiderait à donner de l'air à l'économie, met-il en garde.