Toute la semaine, Francis Vailles se penche sur la Finlande, une nation dont les parallèles avec le Québec sont frappants.

L'enseignante Jaana Marin lit les phrases en anglais projetées sur le tableau. Les élèves répètent docilement. Ils sont tout aussi réservés lorsqu'ils répondent aux questions ou travaillent en équipe avec une tablette iPad.

Le calme de cette classe d'élèves de 15 ans aux cheveux presque tous blonds est étonnant. Ma présence y est sûrement pour quelque chose. Pourtant, pendant le dîner à la cafétéria, une demi-heure plus tôt, les 200 élèves présents n'étaient guère plus dissipés.

Est-ce l'une des raisons qui expliquent le succès du système d'éducation finlandais, vanté partout? La Finlande est devenue le point de mire du monde, il y a 15 ans, lors des premiers tests internationaux de langue et de mathématiques qu'ont passés les élèves de 15 ans (PISA). Depuis, la Finlande termine toujours parmi les premiers, elle dont les écoles sont pratiquement toutes publiques.

Ces résultats ont incité les autorités à faire la promotion de leur système dans le monde, faisant même payer les touristes pour visiter leurs écoles. La marchandisation irrite certains experts finlandais, pour qui les résultats de PISA ne montrent qu'une facette de la réalité.

Ainsi, en Finlande, l'écart entre les résultats des garçons et des filles est l'un des plus grands des pays industrialisés, les immigrés sont plus nombreux à décrocher qu'ailleurs et une bonne part des écoles des grandes villes du Sud, où vivent les mieux nantis, est nettement plus forte qu'en région.

«Une directrice d'école s'est même fait demander par un parent combien il y avait d'enfants immigrés à son établissement», s'insurge Fred Dervin, professeur à la faculté d'éducation de l'Université de Helsinki.

Pour prendre le pouls, je me suis rendu à l'école de Vääksy, petite ville située à deux heures au nord de Helsinki, au milieu de lacs et de forêts. Comme Québécois, j'étais curieux mais confiant, puisque nos ados ont surclassé les Finlandais en maths aux derniers tests PISA, terminant huitièmes au monde.

Oubliez la polyvalente bétonnée!



La première chose qui m'a frappé, c'est l'abondance de ressources. Il n'y a que 20 à 24 élèves par classe pour les groupes de 13-15 ans, contre 28 au Québec. Et oubliez la polyvalente bétonnée: l'école lumineuse compte seulement 300 élèves de 13 à 15 ans, ce qui est typique en Finlande.

Les professeurs disposent chacun d'un ordinateur portable dernier cri. L'école est aussi dotée d'un logiciel qui permet aux enseignants de communiquer efficacement avec les parents par internet. Tout y est transmis, en temps réel: absence, comportement en classe, résultats d'examens, etc.

Cet après-midi-là, Jaana Marin a eu bien besoin de recourir au système. Six élèves étaient absents de son cours, ce qui est peut-être un signe du plus grand nombre d'enfants à problèmes qu'ailleurs.

L'école de Vääksy a une petite classe d'enfants qui ont des troubles (autisme, etc.) et une autre avec des handicaps physiques. Ils sont mêlés aux groupes ordinaires, mais pas à plein temps, explique la directrice adjointe de l'école, Sari Puputti.

Dans la section des petits (12 ans et moins), les chaises sont munies de roues pour réduire le bruit et tous se promènent «en pieds de bas», même le directeur!

Garderie: 20$ par jour



Autre particularité: tout y est gratuit, même les dîners. Les parents d'enfants d'âge préscolaire n'ont toutefois pas cette chance, puisque les tarifs de garderie atteignent jusqu'à 20$ par jour (7$ au Québec) et varient selon le revenu familial. Seules les familles ayant des revenus annuels de moins de 42 000$ ne paient pas. Tiens, tiens...

Durant la formation de base obligatoire (1re à 9e année), le système éducatif finlandais prend soin de ne pas comparer les jeunes entre eux, par exemple avec une moyenne de groupe, qui peut démoraliser certains enfants. Par contre, au terme de la 9e année (notre 4e secondaire), il y a carrément un clivage: les meilleurs vont au lycée tandis que les moins forts sont dirigés vers des écoles de métiers.

Les notes de bulletin vont de 4 à 10. La note de passage est de 5, mais il faut une moyenne de 7 pour être admis au lycée (16 à 19 ans), ce qui est le cas de 55% des élèves finlandais (40% à Vääksy). Environ 7% des ados finlandais décrochent avant la fin.

Problème d'accès à l'université



En Finlande, les profs doivent tous avoir une maîtrise, et les trois premières années de leur formation universitaire de cinq ans portent sur leur discipline (maths, géographie, langues secondes, etc.). Les études sont gratuites à l'université, mais le taux d'acceptation des candidats à la faculté d'éducation est très faible (5% contre 12% en médecine).

Bref, pour le lycée comme pour l'université, le système y semble plus planifié selon les compétences des candidats et les besoins de la société. Un système gratuit, mais qui apparaît plus dirigiste qu'au Québec. Les jeunes critiquent d'ailleurs la longue liste d'attente pour entrer à l'université.

«Il y a un problème majeur d'accès à l'université. La Finlande n'a pas développé un réseau assez étendu, comme ce fut avec l'Université du Québec il y a quelques années», explique Guy Pelletier, professeur au département d'éducation de l'Université de Sherbrooke, qui a comparé les deux systèmes.

Les Finlandais accordent une grande importance à l'éducation et vouent un profond respect aux enseignants. Signe de ce respect, les parents acceptent bien les notes de bulletin attribuées aux enfants, me dit Jaana Marin, même si une partie de l'évaluation est basée sur l'observation subjective des enseignants, en plus des examens.

Jean-Philippe Payette, un enseignant québécois de langue seconde en Finlande, a pu observer les différences entre les deux systèmes. «Les enseignants finlandais ont une approche moins rigoriste. Ils fonctionnent par projet, ils accompagnent les enfants. Les élèves réussissent bien, mais ils sont de moins bons communicateurs et ils ont moins l'esprit critique. Ils n'osent pas se mouiller, ils ont peur de l'échec», dit-il.

En somme, un système d'éducation à l'image de la société finlandaise: moderne, efficace, égalitaire, respectueux des règles, mais réservé.

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