Le nouveau ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, arrivé avec une image de technocrate brillant et d'ex-financier aisé, a commis un faux pas dès sa première intervention dans les médias, en parlant de salariées «illettrées» d'une entreprise.

Dans une tentative maladroite de donner un exemple concret des maux de la France, M. Macron a évoqué sur les ondes d'Europe 1, les salariées de l'abattoir de porc Gad en Bretagne, en liquidation judiciaire, qu'il a récemment visité, disant que «beaucoup sont illettrées».

M. Macron soulignait que selon lui cette situation, alliée à l'absence de permis de conduire, coûteux et long à obtenir en France, les empêchait de trouver du travail ailleurs.

Les discussions ont rapidement fleuri sur les réseaux sociaux, certains reprochant au ministre un ton «condescendant» voire de «mépris» à raccrocher à la récente polémique sur les «sans-dents», d'autres faisant valoir l'honnêteté face à l'illettrisme dans les usines.

Le tollé s'est poursuivi en Bretagne, d'anciens salariés et des syndicalistes dénonçant des propos «inadmissible», du «mépris».

Le maire de la petite commune de Lampaul-Guimiliau, Jean-Marc Puchois, a souligné que 18 personnes ont passé le permis de conduire et 41 ont suivi des cours de remise à niveau en français et maths sur le site sinistré. «Alors, l'exemple de Gad, c'était celui à ne pas prendre», a-t-il regretté.

«Le non retour à l'emploi chez Gad n'est pas dû au fait qu'on soit une femme, qu'on soit illettrée ou qu'on n'ait pas le permis de conduire», a renchéri un ancien délégué FO de l'abattoir, Olivier Le Bras.

Enfin, les réactions politiques ont suivi et la première question au gouvernement de la séance de mercredi à l'Assemblée nationale était pour M. Macron. La députée UMP Laure de La Raudière a fait le parallèle avec le qualificatif de «sans-dents» à l'égard des pauvres, prêté au président François Hollande dans le livre de son ex-conjointe Valérie Trierweiler. A l'inverse, l'ancienne ministre UMP Rachida Dati a apporté son soutien à Emmanuel Macron: «Ce que je regrette, c'est que pendant que les médias et hélas certains responsables politiques s'emparent de ce qu'ils croient être un couac, ils ne s'intéressent pas à la question de fond qu'Emmanuel Macron soulevait. Le ministre de l'Économie dénonçait une réalité qui gêne sans doute certains».

Excuses et regrets

Visiblement tendu, M. Macron a présenté dans l'hémicycle ses «excuses les plus plates aux salariés» «blessés» et exprimé ses «regrets».

Il s'est néanmoins vigoureusement défendu de tout mépris, retournant l'argument de Laure de La Raudière. «Mon regret Madame, c'est précisément qu'aujourd'hui vous soyez aussi révoltée par les mots mais que vous ne soyez pas aussi révoltée par les réalités», a-t-il crié au milieu des huées.

«C'est très maladroit et cela tombe dans un contexte compliqué pour le gouvernement, pour le rapport de la gauche aux milieux populaires et pour lui personnellement, dans le cadre de son entrée en fonction alors qu'il est attendu au tournant» après avoir été «encensé», a résumé le politologue Jérôme Fourquet, de l'Ifop.

«D'aucuns feront le rapprochement entre le parcours de M. Macron, notamment à la banque Rothschild et le symbole que certains veulent y voir: incarnation du tournant social libéral et un certain mépris de classe», explique-t-il.

Cette maladresse viendra aussi «alimenter les propos de ceux qui disent que +décidément, il y a beaucoup d'amateurisme dans les différents gouvernements de M. Hollande+», a-t-il ajouté.

Paul Molac, député écologiste membre Union démocratique bretonne a indiqué mercredi dans un communiqué avoir invité le ministre «à rencontrer les salariés qui sont des gens de grande qualité, qui font un travail éprouvant et font vivre le territoire».

«Après s'être excusé une nouvelle fois (...), Emmanuel Macron a accepté», poursuit le communiqué.

«Je suis profondément peiné de les avoir blessés. Je les ai appelés pour m'excuser, mais je le ferai aussi directement et sur place. C'était tout le contraire de ce que je voulais faire», a encore déclaré mercredi dans un entretien au Télégramme de Brest M. Macron.

Emmanuel Macron «s'est excusé, dont acte», a dit le Premier ministre, Manuel Valls. «C'est suffisamment rare dans la vie politique qu'un ministre, qu'un responsable s'excuse pour des propos (...) pour qu'on en rajoute pas», a-t-il ajouté.

L'illettrisme concerne toujours en France 7% des adultes de 18 à 65 ans, soit 2,5 millions de personnes, selon une étude de l'Insee rendue publique fin 2012.