«Au Canada, on ne connaît pas la crise économique qu'on vit ici. Il y a tellement d'économies souterraines. Face au manque à gagner, l'État augmente les taxes et les impôts, et cela ne fait qu'empirer les choses.»

Le Québécois Marc Lupien et son conjoint suisse Ädu Wahlen tiennent un restaurant à Lisbonne. Situé dans le quartier branché émergent de Principe Real, le bistro Edelweiss a ouvert ses portes en pleine crise économique.

Au départ, le couple devait remettre au gouvernement portugais 7% de taxe (TVA). Un an plus tard, le gouvernement a haussé le taux à 13%. Aujourd'hui, il est de 23%. Presque le quart des revenus du restaurant.

Marc et Ädu s'en sortent néanmoins très bien. «Comme je le dis tout le temps, on vend les patates pilées les plus chères au monde! On cuisine des produits qui ne sont pas chers, comme des saucisses, mais que les gens redemandent, explique Marc. Il y a un retour en Europe de toute la cuisine faite maison. Ce qui est difficile, par contre, c'est la régularité. Impossible de prévoir s'il y aura beaucoup de clients d'un soir à l'autre...»

Contrairement à l'an dernier, le couple n'a pas fermé son restaurant pendant les vacances d'août, histoire de profiter au maximum de la haute saison touristique. Pari réussi.

Marc a quitté le Québec pour la Suisse à 23 ans, alors qu'il étudiait l'architecture. Il est tombé amoureux d'Ädu, d'origine allemande.

Oubliant la Suisse, trop dispendieuse, ils ont ouvert un restaurant à Nice, puis ils ont mis le cap sur Lisbonne. «La France, ce n'est pas pour tout le monde. Tout est compliqué», dit Marc.

Avant le bistro Edelweiss, le couple polyglotte avait un bar dans le quartier nocturne de Bairro Alto. «À un moment donné, on approche 50 ans et on ne veut plus faire des shots jusqu'à 4h du matin», lance Marc, alors qu'une chanson de Claude Dubois se fait entendre.

«Nous avons ouvert ici en pleine crise, poursuit-il. Le loyer était ridiculement très bas, cinq fois moins cher pour cinq fois plus d'espace, donc la crise ne me faisait pas peur. Surtout que nous étions dans un quartier qui vit un boum. Notre loyer a augmenté de 400% depuis et c'est encore pas cher.»

Une passion pour le design

Avec de vieux skis en bois, une tête d'orignal, des télés rétro et des meubles mi-siècle, le décor du bistro Edelweiss témoigne du bon goût architectural de Marc. Ce dernier fait toujours ses factures à la main, au crayon à mine, sur un papier parchemin brun. «Ma passion, ce n'est pas d'être serveur, mais je mets mon amour du design dans le restaurant.»

Le bistro Edelweiss jouit aussi d'une bonne réputation gastronomique à Lisbonne. Les gens apprécient les plats allemands d'Ädu. «On garde le restaurant petit et familial malgré la demande.»

Dans un avenir rapproché, Marc et Ädu voudraient confier leur bistro à des employés afin «d'en faire une machine à sous». «Nous, on ouvrirait un restaurant plus petit avec une cuisine plus élaborée et perfectionniste.»