Les banquiers centraux européens, réunis pendant trois jours à Sintra au Portugal, se sont montrés prêts à dégainer des mesures susceptibles de contrer le spectre de l'inflation basse mais sont restés évasifs sur l'arsenal à déployer.

Hasard du calendrier, ce forum sur la politique monétaire, organisé par la Banque centrale européenne (BCE) à l'instar de la traditionnelle réunion de la banque centrale américaine (Fed) à Jackson Hole (ouest des États-Unis), coïncidait avec la tenue des élections européennes.

Le choc des élections, marquée par une poussée des europhobes, a fourni des arguments supplémentaires aux gardiens de l'euro pour agir: «les électeurs ont décroché, ils attendent de nous de meilleures réponses à leurs questions sur la croissance», a reconnu le président de la BCE, Mario Draghi.

«La question principale aujourd'hui, c'est le timing», a-t-il ajouté après avoir clairement indiqué début mai que la BCE était «à l'aise» avec l'idée d'agir lors de sa prochaine réunion mensuelle le 5 juin.

Inquiet, le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäuble a lui mis mardi en garde contre une politique monétaire trop accommodante qui risque de freiner les efforts de réforme des Européens.

«Nous devons continuer nos efforts, nous devons nous assurer que nous ne nous cachons pas derrière la politique monétaire», a-t-il martelé à Berlin.

Le patron de la BCE a évoqué le recours à des moyens conventionnels comme la baisse des taux sans écarter un programme d'ampleur d'achat d'actifs, dans un scénario extrême de déflation, c'est-à-dire une baisse prolongée des prix et salaires.

Cette dernière hypothèse est toutefois jugée peu probable par les analystes: «un rachat d'actifs ne sera annoncé que si la zone euro glisse dans la déflation», a estimé l'économiste Reinhard Cluse de la banque UBS.

Mais tous s'attendent à une annonce le 5 juin: «les marchés ont eu très peu de nouveautés à se mettre sous la dent avec le discours de M. Draghi, mais il a conforté la perspective de voir la BCE annoncer un paquet de mesures de soutien à la croissance», a commenté Howard Archer, de IHS.

La BCE s'achemine vers une nouvelle baisse de son principal taux directeur qui, avec 0,25% depuis novembre, est déjà à son plus bas niveau historique.

Le taux de dépôt de la BCE pourrait également être réduit et passer en territoire négatif ce qui aiderait à faire baisser le niveau de l'euro.

Message des électeurs

Autre option, l'institution de Francfort pourrait accorder de nouveaux crédits à très long terme aux banques à condition de prêter davantage aux entreprises et stimuler ainsi l'économie.

Une action rapide de la BCE devrait être bien accueillie par le président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, qui avait plaidé lundi en faveur de mesures pour «accélérer la reprise» en zone euro, encore trop faible pour créer des emplois.

«Le principal enseignement des élections est que nous devons accélérer le pas et présenter des résultats, les gens veulent voir des résultats», a-t-il prévenu.

La BCE est confrontée aux disparités dans la zone euro: alors que le risque de voir apparaître la déflation en Espagne est bien réel, c'est loin d'être le cas en Allemagne, d'où la difficulté de trouver une action adaptée à toutes les situations.

Dans ce contexte, la réponse de la BCE doit être «pesée de manière prudente», a commenté M. Draghi, avant de rappeler qu'«il n'y a pas de débat» sur l'objectif de la BCE, «qui est de faire remonter à moyen terme l'inflation vers 2%».

Un message qui n'a pas été entendu par le prix Nobel d'Economie Paul Krugman qui a pris mardi le contre-pied du sacro-saint objectif d'inflation de la BCE, en estimant qu'il fallait relever cette cible afin de restaurer la compétitivité en zone euro.

Après cette première édition à Sintra, la BCE a l'intention d'y organiser son forum annuel au cours des cinq prochaines années.