Plus de 4500 milliards US. C'est autant d'argent qui dort dans les coffres des entreprises américaines, européennes et japonaises, paralysées par la peur depuis la crise financière de 2008-2009. Mais elles seraient enfin prêtes à investir davantage dans l'économie.

America inc. en a pour plus de 1500 milliards US. C'est au moins 1000 milliards d'euros sur le Vieux Continent. Et environ 2000 milliards US au Japon. En tout, plus de 4500 milliards US.

C'est le fabuleux trésor de guerre - un record - que les entreprises du monde développé (hors du secteur financier) ont amassé depuis la crise financière américaine il y a cinq ans.

Ces liquidités colossales dorment dans les coffres des sociétés, selon des rapports de la Réserve fédérale américaine (Fed), de la Banque centrale européenne (BCE) et de la Banque du Japon. Elles ne rapportent que très peu d'argent, vu les faibles taux d'intérêt, et ne créent aucun emploi ou presque.

Ces sommes témoignent surtout de la sévérité du choc causé par la crise financière de 2008-2009, qui a paralysé l'investissement privé dans les grandes économies.

Malgré leurs bénéfices records et leur «cash» retrouvé, beaucoup d'entreprises rechignent à investir dans la réfection de leurs usines, le lancement de produits innovateurs ou la conquête de nouveaux marchés.

Pour les économistes, c'est «LE» moteur qui manque à la croissance en Occident. Mais aujourd'hui, enfin, le monde des affaires est tenté de desserrer les cordons de la bourse.

Dans une nouvelle étude, la firme américaine Charles Schwab&Co. dit avoir observé «des signes» pointant vers un «nouveau cycle d'investissements privés» aux États-Unis.

«C'est la première fois, depuis la crise, que l'on sent un changement d'état d'esprit [en Europe]», ajoute Fidelity Investments, le plus grand gestionnaire de fonds communs de la planète, dans une note financière.

Les actionnaires d'abord

Ces dernières années, outre pour regarnir leur compte de banque, les entreprises ont utilisé leurs profits records surtout pour une chose: rémunérer leurs actionnaires. Soit par des versements de dividendes. Soit par des rachats d'actions. Ou les deux.

Environ le quart des profits ont ainsi été redirigés vers les actionnaires contre trois quarts pour les investissements (y compris la R et D) en Europe, selon la firme Goldman Sachs. Dans les années 90, les investissements accaparaient 90% des profits.

Aux États-Unis, c'est pas mal la même chose. L'an dernier, les grandes sociétés de l'indice S&P 500 ont autorisé plus de 600 milliards US de rachats d'actions - un record.

Mais ces «bonbons» ne suffisent plus. Les grands investisseurs, eux-mêmes, exhortent les entreprises à investir et à développer leur «capex», pour reprendre le jargon financier, si l'on veut soutenir les profits à l'avenir.

Ainsi, près de six gestionnaires de fonds internationaux sur dix (58%) - un sommet - souhaitent qu'elles dépensent davantage dans leurs activités courantes, selon un récent sondage Bank of America Merrill Lynch. Autrement dit, il est grand temps de faire des affaires.

Jusqu'ici, leurs voeux n'ont été que partiellement exaucés. Aux États-Unis, l'investissement privé tarde à décoller, représentant 12% de l'économie (PIB), comparativement à 13,5% en 2007, soit avant la crise financière, note Schwab&Co.

Certes, on constate une reprise graduelle - avec 100 milliards US d'investissements depuis 2011 - mais cela reste bien inférieur à la croissance des profits, en hausse de 400 milliards US depuis trois ans.

Obligés d'investir

Heureusement, les gens d'affaires retrouvent peu à peu le goût du risque.

Selon un sondage de Schwab, la confiance des chefs d'entreprises américaines est à la hausse cette année et atteint un niveau qui, antérieurement, laissait présager d'une reprise des investissements.

Il faut dire que les dirigeants n'ont plus tellement de choix. La raison est simple: leurs usines vieillissent... vite.

Ainsi, l'âge moyen des usines américaines est de 23 ans - un sommet en près de 70 ans, note Schwab. Productivité oblige, il faudra donc remettre à niveau ces installations et acheter des équipements avant qu'il ne soit trop tard.

Faut-il s'attendre à une poussée spectaculaire des investissements privés? A priori non. Goldman Sachs table sur une progression de 4% des investissements en 2014 dans les pays développés. Un rebond bien moindre que lors des périodes de reprise précédentes.

Au moins, c'est un pas dans la bonne direction. Le réputé économiste Mohamed A. El-Erian, ex-président de la firme Pimco, résume ainsi la situation dans une note financière.

«Les entreprises n'augmenteront que progressivement leur contribution à la lourde tâche de restaurer la croissance. Ce sera suffisant pour maintenir la progression des économies avancées [...], malheureusement, ce ne le sera pas pour atteindre la croissance plus rapide que le bien-être de leurs citoyens - et de l'économie mondiale - exige de toute urgence.»