Malgré l'effondrement de l'immobilier dans plusieurs pays en 2008 et la crise financière qui a suivi, la spéculation est de retour dans le béton et le mortier. Les prix s'envolent au Royaume-Uni, au Brésil et à Hong Kong, alors qu'en Suède, un propriétaire mettra 140 ans en moyenne pour rembourser son hypothèque, tant les prix des maisons sont élevés. Bref, les bulles immobilières se multiplient, parfois avec la complicité des gouvernements.

Finies les bulles immobilières? C'est peut-être le cas dans certains pays qui ont vu les prix de l'immobilier plonger après la crise financière de 2008, dont les États-Unis, l'Espagne ou l'Irlande. Mais des experts vous diront d'y penser deux fois avant d'acheter une maison - à gros prix - au Brésil, en Suède ou à Hong Kong.

Et malgré une dure récession ces dernières années, la spéculation immobilière «is alive and well» au Royaume-Uni.

Un exemple: dans les petites annonces des journaux récemment, on demandait 300 000 livres (485 000$CAN) pour... un seul espace de stationnement au centre de Londres. Les prix des maisons de luxe dans la capitale sont en hausse de 60% depuis leur creux de 2009, ayant franchi le seuil des 2 millions de livres en moyenne (3,3 millions CAN): un record. Et cela, au moment où l'économie britannique peine à se remettre en marche.

Certes, le coeur de Londres est un marché convoité des acheteurs du monde entier. Reste que des experts croient qu'il y a peut-être une bulle immobilière en formation au pays de Sa Majesté.

Dans sa plus récente étude, l'organisme spécialisé Royal Institution of Chartered Surveyors (RICS) prévoit une hausse des prix à venir d'une ampleur jamais vue depuis 2006.

Selon la RICS, le nombre de ménages se renseignant pour acheter une maison vient de connaître sa plus forte augmentation en quatre ans. Et d'ajouter la firme Standard&Poor's, l'immobilier au Royaume-Uni est déjà "surévalué" de 25%.

Comment les prix peuvent-ils grimper ainsi dans une économie amorphe?

Les experts pointent surtout deux mesures adoptées par le gouvernement britannique. En juillet 2012, celui-ci a lancé un plan de soutien au financement nommé «Funding for lending» par le biais de la Banque d'Angleterre. Ce plan permet notamment aux acheteurs de bénéficier d'un prêt à taux zéro sur une partie de son emprunt.

Puis en avril dernier, Londres en rajoutait avec son plan «Help to buy» destiné à garantir des prêts aux premiers acheteurs, ciblant d'abord les maisons neuves en deçà de 600 000 livres (960 000$CAN) avant d'étendre le programme à tout le marché. En parallèle, les taux hypothécaires ont baissé jusqu'à 2,90% en mai, contre 3,25% en octobre dernier.

«On cherche le trouble pour l'avenir, déplore la firme Fathom Consulting dans une récente étude. Ce sont des manoeuvres dangereuses [de la part du gouvernement].»

Pas pressé de rembourser en Suède

De toute évidence, les acheteurs et les gouvernements ont tendance à oublier que l'éclatement d'une bulle immobilière aux États-Unis, il y a cinq ans, est à l'origine de la crise qui a secoué les banques et toute l'économie mondiale.

À cet égard, le Fonds monétaire international (FMI) vient de rappeler à l'ordre le gouvernement suédois. L'endettement des ménages en Suède pose un réel problème, représentant 1,7 fois le revenu disponible des ménages. Et les prix de l'immobilier résidentiel, ajustés à l'inflation, sont surévalués d'environ 20%, calcule l'autorité de surveillance financière.

Le FMI déplore qu'en raison des politiques permissives de l'État et des banques, les ménages suédois remboursent leurs emprunts immobiliers si lentement - en ne payant que les intérêts généralement - qu'ils prévoient de le faire sur 140 ans en moyenne.

Inacceptable, clame le FMI qui craint une correction du marché et un choc pour l'économie si les taux d'intérêt devaient remonter sensiblement.

Carnaval immobilier au Brésil

Autre marché immobilier trop chaud au goût des experts: le Brésil. Le spécialiste américain Robert Shiller, qui avait prédit la sévère correction immobilière américaine de 2008, dit qu'une bulle se forme dans la première économie sud-américaine.

Les prix des maisons à Sao Paulo ont bondi de 180% depuis janvier 2008 et de 225% à Rio de Janeiro. Une poussée beaucoup plus forte que la croissance des revenus et d'autant plus risquée que l'économie brésilienne est presque en panne.

Le danger, c'est qu'une culbute immobilière ébranlerait les banques brésiliennes, dont le portefeuille de prêts hypothécaires a été multiplié par huit depuis 2007.

Hong Kong, la Russie et le Canada

Robert Shiller, qui enseigne à la prestigieuse université Yale aux États-Unis, a contribué à la création d'un indicateur très suivi du marché immobilier américain, l'indice S&P/Case-Shiller.

Le spécialiste reconnu mondialement a servi son avertissement aux Brésiliens lors d'une conférence le mois dernier. Durant ses commentaires, repris par l'agence Blomberg, M. Shiller a aussi mentionné que d'autres bulles immobilières étaient probablement en train de se former en Chine (Hong Kong en particulier), en Inde, en Russie... et au Canada, entre autres.

Il a été impossible de joindre le spécialiste pour obtenir ses commentaires. Mais ses propos devraient faire réfléchir tous ceux qui magasinent une maison ces jours-ci sur la planète.