Les marchés émergents, déjà touchés de plein fouet par le resserrement à venir de la politique monétaire américaine, essuient une nouvelle bourrasque avec les incertitudes sur la Syrie qui poussent les investisseurs à la prudence.

Chute des devises et des places boursières, hausse des taux d'emprunt et des cours du pétrole: les pays émergents ne parviennent pas à voir le bout du tunnel, dans un été qui a été particulièrement chahuté.

«Les marchés ont subi un premier mouvement lié à la possible réduction des achats d'actifs de la Réserve fédérale américaine. Désormais, le contexte géopolitique se dégrade et constitue un second facteur qui conduit les investisseurs à éviter les actifs risqués», comme les placements dans les pays émergents, observe René Defossez, stratégiste chez Natixis.

«Les incertitudes sur la Syrie, où une intervention pourrait générer des tensions internationales durables, pèsent sur l'ensemble des marchés. Or les émergents sont particulièrement sensibles à une dégradation de la confiance», souligne Jean-Louis Mourier, économiste chez le courtier Aurel BGC.

Mercredi, les marchés asiatiques ont clôturé en baisse, à l'image de la Bourse de Hong Kong qui est revenue à son niveau le plus bas depuis cinq semaines.

En Inde, la roupie a atteint un nouveau plancher historique en matinée face au dollar.

De même, les marchés turcs étaient fragilisés, avec la livre évoluant à un niveau historiquement faible face au dollar.

Les Bourses des monarchies pétrolières, qui ont lourdement chuté mardi, évoluaient en ordre dispersé, la place d'Arabie Saoudite revenant un peu dans le vert dans l'après-midi (+0,26%) tandis que celle de Dubaï restait en baisse (-1,30%).

Une frappe contre le régime syrien, accusé d'avoir utilisé des armes chimiques dans sa guerre contre les rebelles, semble imminente, Washington et ses alliés préparant le terrain pour une action militaire contre laquelle Damas a promis de se défendre.

«Il est très difficile de savoir si la situation peut dégénérer dans la région. Cette incertitude est un phénomène que l'on a déjà pu connaître sur les marchés à l'occasion d'autres conflits comme l'Irak», selon M. Defossez.

Les craintes d'une intervention militaire ont aussi pour conséquence de faire grimper les cours du brut, la Syrie se situant au coeur de la première zone de production de la planète.

«Les difficultés des pays émergents risquent de s'accroître, la hausse du baril de pétrole étant un élément particulièrement dommageable pour eux. En effet, elle vient se cumuler à l'effondrement de leurs devises, ce qui devrait accroître le coût de leurs importations et donc leur déficit courant», expliquent les stratégistes chez Crédit Mutuel-CIC.

Or, les pays émergents sont très dépendants de l'extérieur pour le financement de leur économie.

Dans l'attente de la Fed.

Selon Crédit Mutuel-CIC, «les pressions inflationnistes vont croître, réduisant encore les marges de manoeuvre des banques centrales», qui auront du mal à baisser encore les taux d'intérêt puisque cela ne ferait qu'accentuer le dérapage des prix à la consommation.

«Les pays émergents sont particulièrement sensibles à l'inflation. Au Brésil, un des déclencheurs des manifestations récentes a été l'augmentation des prix, notamment dans les transports», rappelle M. Mourier.

Les marchés émergents sont d'autant plus sensibles aux craintes entourant la Syrie qu'ils sont fragilisés par les inquiétudes sur le resserrement prévu de la politique monétaire de la Fed.

Mais il faudra attendre la mi-septembre et la prochaine réunion de la banque centrale américaine pour espérer en savoir plus sur les modalités de ce durcissement.

«Tout va dépendre de la communication de la Fed. Si elle réduit un peu ses rachats d'actifs tout en maintenant un discours accommodant, ce qui est le scénario anticipé par les investisseurs, les marchés émergents devraient souffler un peu, voire en profiter», tempère M. Defossez.