Les gouvernements européens semblaient se préparer jeudi à reporter leur accord sur le projet de fusion des groupes de défense et d'aéronautique EADS et BAE Systems au-delà du 10 octobre.

Le groupe EADS a cependant insisté pour respecter ce délai, fixé automatiquement par la réglementation britannique, même si techniquement rien n'empêche de demander une extension et même plusieurs.

«Peut-être que nous aurons besoin de plus de temps (...) Je pense que nous aurons besoin de plus de temps», a déclaré le ministre allemand de la Défense, Thomas de Maizière.

«On s'avance vers une extension probable des délais», a confirmé à l'AFP une autre source proche du dossier. «Les Britanniques n'y voient pas d'inconvénient au niveau du droit boursier», a assuré cette source.

Ce projet de fusion doit recevoir l'aval des gouvernements allemand, britannique et français en raison des enjeux stratégiques.

Les ministres français, allemand et britannique de la Défense se sont pour la première fois mercredi soir rencontrés pour parler du projet, à Chypre en marge d'une réunion des ministres européens de la Défense.

EADS a indiqué de son côté vouloir tenir les délais. «Notre intention reste de fournir les clarifications nécessaires d'ici le 10 octobre (à la commission britannique des offres publiques d'achat) et nous comptons le faire», a déclaré à Paris un porte-parole du groupe .

Selon un juriste, le code britannique sur les rachats et fusions permet que le délai du 10 octobre soit étendu, même à de multiples reprises.

«Les demandes d'extension sont fréquentes: de septembre 2011 à septembre 2012, sur les 57 offres d'achat qui ont été soumises à ce délai en Grande-Bretagne, 23 ont demandé et obtenu une extension et 19 ont réalisé une offre dans le délai initialement imposé», indique cet expert.

M. de Maizière a qualifié de «constructives» les discussions avec ses deux homologues, un adjectif également utilisé par un conseiller du ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian.

Mais «c'est une situation complexe. Il y a beaucoup de questions et conditions. Rien n'a été décidé encore», a ajouté M. de Maizière, précisant que les ministres «restaient en contact».

Le rapprochement entre EADS -maison-mère du constructeur Airbus- et le britannique BAE -fabricant de chars, navires et porte-avions-, annoncé le 12 septembre, soulève de nombreuses questions à commencer par celle de la perte d'influence des Etats sur le groupe.

Les États allemand, français et espagnol contrôlent actuellement, directement ou indirectement, la majorité du capital d'EADS. Une fusion diluera automatiquement leur participation et dissoudra le pacte d'actionnaire qui accorde des droits particuliers à Paris et Berlin.

En revanche, l'Allemagne et la France recevraient une «action spéciale», comme celle que détient l'État britannique dans BAE Systems et conserverait dans la nouvelle société. Cette action lui permet de s'opposer à ce quiconque acquière plus de 15% de la société sans son accord, explique-t-on de sources proches de l'opération.

La France n'a pas l'intention de céder ses parts du capital, ramenées mathématiquement à 9%, mais elle ne lui permettront pas d'intervenir dans la gestion du groupe ni de siéger au conseil d'administration, expliquent les mêmes sources.

D'autre part, le groupe automobile allemand Daimler, qui détient 15% des parts d'EADS, critique la répartition retenue pour la fusion: 60% pour EADS et 40% pour le Britannique. Le patron d'EADS, Tom Enders, a qualifié mercredi ce rapport de «très équitable» et ne compte pas le modifier.

La question du maintien des emplois dans les différents pays est également cruciale. À Berlin, on redoute surtout que le rapprochement avec BAE ne se traduise par une restructuration de Cassidian, le pôle défense d'EADS principalement basé en Allemagne. Un enjeu de taille à un an des législatives.