Cris, rires et pleurs: l'assemblée des actionnaires de Rio Tinto a été forte en émotions à Londres hier. Des représentants des syndiqués en lock-out de l'usine d'Alma ont réussi à faire entendre leur voix au milieu de récriminations de militants internationaux venus dénoncer la commandite de l'industriel aux Jeux olympiques de Londres.

La «petite gang d'Alma» a arraché un aveu important d'un cadre du géant minier à l'assemblée annuelle à Londres hier. Au cours d'une séance de questions mouvementée, Tom Albanese, directeur général de Rio Tinto, a indiqué qu'il espérait que les deux parties puissent s'asseoir et trouver des solutions.

«Si des gens raisonnables arrivent à une entente raisonnable, je donne entièrement mon appui», a expliqué l'Américain à Guy Farrell, directeur adjoint du syndicat québécois des Métallos.

Guy Farrell et son collègue Marc Maltais, président des syndiqués d'Alma, étaient à Londres pour accroître la pression sur Rio Tinto qui impose un lock-out sur les 780 travailleurs de l'aluminerie du Saguenay depuis maintenant 110 jours.

Ils étaient accompagnés de délégués de grands syndicats miniers et métallurgiques, dont Unite (Grande-Bretagne) et la Fédération internationale des travailleurs de la métallurgie.

«Certains de nos nouveaux alliés vont nous aider financièrement pour passer à travers le lock-out», s'est réjoui Marc Maltais, qui visitera également la France pour cette seconde tournée à l'étranger.

Ils ont pris quelques photos en compagnie d'une centaine de manifestants qui bravaient la pluie et le froid avant de pénétrer dans le centre de conférence Queen Elizabeth.

Sombres perspectives

Les esprits se sont rapidement échauffés, dans la salle remplie aux deux tiers, à la suite de la présentation des dirigeants de Rio Tinto. Seule ombre au tableau parmi les résultats généralement positifs de l'entreprise: la division de l'aluminium, dont la dévaluation de 8,9 milliards de dollars a fait plonger l'entreprise dans le rouge pour la seconde moitié de 2011.

«Ce secteur continuera à présenter des défis pour un certain temps», a indiqué Jan Du Plessis, président du troisième producteur d'aluminium au monde.

Nullement intimidé par ces sombres perspectives, Guy Farrell a pris la parole au nom des travailleurs d'Alma. «Comment justifiez-vous le lock-out illégal de l'aluminerie la plus profitable au monde, jetant à la rue 780 familles», a-t-il demandé.

Tom Albanese a contre-attaqué en affirmant que du matériel avait été vandalisé dans l'aluminerie. «Il y a beaucoup de tensions et ce n'est pas bon pour les affaires. J'espère que nous pouvons nous asseoir ensemble et trouver des solutions», a affirmé le directeur.

Des paroles qui signalent une reprise des pourparlers, selon Guy Farrell. «C'est la première fois que M. Albanese s'engage à négocier avec nous. On va le tenir au mot», a-t-il dit à La Presse.

Un optimisme que ne partagent pas des observateurs. «Nous croyons que le conflit durera toute l'année de 2012», ont écrit des analystes de la Deutsche Bank dans un rapport cette semaine.

Commandite olympique

L'atmosphère au centre de conférence s'est envenimée suite à l'intervention des syndicalistes québécois.

Des délégués mongoliens ont accusé Rio Tinto de dissimuler l'impact environnemental de ses activités minières dans le désert de Gobi. Devant les tentatives des dirigeants de couper court à la question, l'un d'eux s'est écrié: «C'est honteux!»

L'assemblée s'est conclue sur une note dramatique lorsqu'une mère de famille américaine, Cherise Udell, a fondu en larmes en énumérant les problèmes de santé des enfants de l'Utah, où l'usine de cuivre de Rio Tinto est la principale source de pollution atmosphérique.

Ces détracteurs, dont les syndiqués d'Alma, ont demandé cette semaine au comité olympique de retirer Rio Tinto de sa liste de commanditaires. L'entreprise fournira les 4700 médailles des Jeux de Londres.