La crise grecque plaide pour plus de fédéralisme en Europe, s'accordent les économistes, qui appellent de leurs voeux la création d'euro-obligations ou d'un poste de ministre européen des Finances en prélude au nécessaire renforcement du budget fédéral.

Au moment où la crise grecque s'est aggravée, un deuxième plan de sauvetage comprenant une participation des banques peine à être mis sur pied et les craintes d'une contagion à d'autres pays, comme l'Italie, ont refait surface.

Ce deuxième plan élaboré dans la douleur suffira-t-il à résoudre les maux de la zone euro? Les économistes réunis à Aix-en-Provence de vendredi à dimanche, interrogés par l'AFP, en doutent.

Pour Jacques Attali, «ce n'est pas en réglant, ou en ne réglant pas, le problème grec ou portugais, qu'on va y arriver. Tout ça ne règle rien».

«Il faut faire des bons du Trésor européen et un budget fédéral qui fédéralise une partie de la dette», sans quoi «l'euro n'existera plus dans 10 ans», estime-t-il.

L'idée n'est pas nouvelle, rappelle l'eurodéputée centriste (MoDem) Sylvie Goulard. «Le Parlement européen a été traité de fou» quand il l'a soumise en décembre dernier. Mais le sujet avance, malgré l'opposition de l'Allemagne, qui ne veut pas payer pour les pays les moins vertueux, assure-t-elle.

Le commissaire aux Affaires économiques Olli Rehn s'est ainsi engagé fin juin à présenter un rapport sur la mise en place d'un «système d'émission commune d'obligations souveraines européennes».

Pour Elie Cohen, directeur de recherche au CNRS (Centre national de la recherche scientifique) en France, il faut remettre sur la table le projet de «mutualiser totalement au niveau européen la dette grecque» par le truchement du Fonds européen de stabilité financière (FESF), qui rachèterait les titres grecs pour les convertir ensuite en obligations européennes.

«Dans ce scénario, les Européens, en dernier ressort, rembourseront de la dette grecque. Pour les Allemands, qui ont fait des sacrifices, qui ont accepté des réformes sociales très coûteuses, au moment où la Grèce augmentait ses salaires de 30%, cela semble incompréhensible», reconnaît-il.

Pourtant, cette option coûterait pourtant beaucoup moins cher qu'un «défaut (de paiement) sauvage» de la Grèce, estime M. Cohen.

Pour Laurence Boone, chef économiste pour l'Europe de Bank of America-Merrill Lynch, tant que la crise n'atteint pas l'Italie ou l'Espagne, la zone euro peut se contenter d'une «petite dose de fédéralisme et de règles plus strictes pour éviter des dérapages».

Mais si la crise de la dette s'étendait, la question des transferts de souveraineté, jusque-là limités à la politique monétaire sous la conduite de la Banque centrale européenne (BCE), ne manquera pas de se poser, estime-t-elle.

Plus de fédéralisme, cela signifierait «un socle minimal de politique commune, comme il y a aux États-Unis» et nécessiterait de modifier les traités.

L'émission d'euro-obligations serait un des outils de cette politique, et pourrait servir alternativement en cas de récession de la zone euro ou pour réaliser des investissements en commun, par exemple dans le domaine énergétique.

Plus prudent, le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, s'est prononcé dimanche en faveur d'une «confédération souple, qui resterait très différente des Etats-Unis et dans laquelle on aurait un ministre confédéral des Finances».

«Cette évolution n'est pas pour demain, mais pour après-demain», a-t-il nuancé.