La décision de l'agence de notation Moody's de reléguer la note du Portugal dans la catégorie des investissements «spéculatifs» suscitait mercredi incompréhension et indignation, alors que le pays commence à peine à mettre en oeuvre le programme d'aide de l'UE et du FMI.

Moody's, qui a abaissé de quatre crans la note à long terme du Portugal (à Ba2), estime que le pays pourrait avoir besoin d'un deuxième plan d'aide avant de pouvoir retourner sur les marchés pour emprunter.

«Insultant», «irrationnel», «illogique», indécent», «immoral», «criminel» : l'indignation était de mise dans la presse portugaise, plusieurs journaux stigmatisant Moody's pour être la «première agence à attribuer une note "pourrie" au Portugal», placé désormais dans la même catégorie spéculative que la Grèce.

Cette décision de l'agence de notation est un nouveau coup dur pour l'économie portugaise, estimaient de nombreux économistes.

«Les banques et les entreprises vont avoir plus de difficultés pour se financer en raison d'une pression accrue sur la croissance à terme», a expliqué à l'AFP l'analyste Cristina Casalinho de la banque BPI, alors que le pays est déjà entré en récession depuis le premier trimestre (-0,7% du PIB).

«Cela va rendre encore plus difficile une voie déjà ardue», a estimé Antonio Costa, directeur du quotidien Diario economico. «Les privatisations seront encore plus difficiles à concrétiser à un prix décent, les investisseurs vont fuir la Bourse de Lisbonne et l'accès des entreprises à un financement va devenir insupportable», a-t-il ajouté.

Troisième pays de la zone euro à faire appel à une aide extérieure après la Grèce et l'Irlande l'année dernière, le Portugal s'est engagé auprès de l'Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI) à mettre en oeuvre un exigeant programme de rigueur et de réformes sur trois ans, en échange d'un prêt de 78 milliards d'euros.

Après les législatives anticipées du 5 juin, le nouveau gouvernement de coalition de droite a souhaité montrer sa détermination à assainir rapidement les finances publiques avec un programme «plus ambitieux» que le plan d'aide international afin de ramener le déficit public de 9,1% du PIB en 2010 à 5,9% cette année et à 3% en 2013.

Parmi les nouvelles mesures, le nouveau Premier ministre Pedro Passos Coelho a annoncé notamment de nouvelles privatisations dans les secteurs de l'énergie et des médias, une restructuration des entreprises publiques et la création d'une taxe spéciale sur les revenus.

«La décision de Moody's ne prend pas en compte le large consensus politique» soutenant le programme du gouvernement, qui dispose d'une confortable majorité au Parlement, a regretté le ministère des Finances portugais.

Pour Kornelius Purps et Tullia Bucco, deux analystes de la banque Unicredit contactés par l'AFP, le Portugal subit les conséquences des «craintes d'un risque de contagion de la Grèce», qui vient d'éviter de justesse la banqueroute grâce à l'adoption d'un plan d'austérité et de privatisations très contesté.

La décision de Moody's a suscité une vive réaction du président de la Commission européenne et ancien Premier ministre portugais, José Manuel Barroso qui a estimé qu'elle pourrait aggraver la crise de la dette en zone euro.

Il faut «briser l'oligopole des agences de notation», a martelé le ministre allemand des Finances Wolfgang Schäublele.

Malgré ce contexte tendu sur les marchés, le Portugal est parvenu à lever mercredi matin 848 millions d'euros de dette à court terme avec des taux en hausse.

La Bourse de Lisbonne continuait de plonger (-2,49%) en fin de matinée.