La crise de la dette oblige la zone euro à repenser son fonctionnement, certains estimant qu'elle ne pourra s'en sortir à long terme sans aller plus loin dans d'intégration politique, avec une union budgétaire ou un ministère des Finances.

«La crise grecque montre la nécessité de renforcer l'Europe», a estimé cette semaine le ministre belge des Finances, Didier Reynders, «on a une banque européenne, mais on n'a pas vraiment de politique budgétaire européenne et ça, c'est ce qui nous manque.»

Le premier acte de la crise de la dette, fin 2008 et début 2009, a déjà forcé l'Europe à se remettre en cause. Elle s'est dotée, non sans mal, d'une forme de Fonds monétaire régional pour secourir ses membres en difficulté.

Cette structure a imposé à tous, y compris à l'Allemagne qui n'en voulait pas au départ, l'idée de la solidarité financière entre les pays utilisant la même monnaie. Elle a servi pour l'Irlande et le Portugal, le premier plan d'aide grec en mai 2010 ayant été monté dans l'urgence, hors de ce cadre.

La nouvelle escalade de la crise grecque fait aujourd'hui remonter au créneau les fédéralistes européens, qui prônent une Union budgétaire ou une gestion en commun de la dette.

«On a cru que l'Union monétaire allait créer presque spontanément une convergence économique entre ses membres. Or c'est le contraire qui est en train de se passer», a souligné l'ex-premier ministre belge Guy Verhofstadt cette semaine dans le quotidien français Libération.

Pour lui, «chaque jour rend plus urgent le passage à une étape supérieure de l'intégration européenne, avec notamment la création d'un grand marché obligataire unique pour les dettes publiques des États».

Ces euro-obligations sont évoquées depuis longtemps, mais sans succès du fait de l'opposition de l'Allemagne principalement.

L'union budgétaire, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet l'appelle aussi de ses voeux.

Il vient de suggérer la création d'un ministre des Finances de la zone euro, pour assurer une représentation unifiée dans les instances internationales comme le FMI et coordonner les politiques nationales.

Le commissaire européen chargé des marchés financiers, Michel Barnier, l'a soutenu. Mais l'option ne fait pas l'unanimité.

C'est «une bonne idée», reconnaît le chef de file des ministres des Finances de la zone euro (Eurogroupe), Jean-Claude Juncker, «mais ça n'ira pas».

«Déjà aujourd'hui on a du mal à accepter dans les pays en difficulté les recommandations et les injonctions de l'Eurogroupe et de la Commission (européenne), comment voulez-vous que demain un ministre des Finances européen puisse dire à l'ensemble des pays européens ce qu'il faut faire?»

Sans aller jusque-là, des efforts ont déjà été faits en ce sens, sous la pression de Bruxelles notamment.

Avant d'adopter leur budget national, les États doivent désormais en communiquer les grandes lignes à la Commission européenne, qui peut sévir lorsqu'elle estime que les comptes publics dérapent trop. Elle vient dans ce cadre d'émettre ses toutes premières recommandations.

Ce processus entre dans le cadre d'une réforme plus large de la gouvernance européenne, prévoyant un contrôle accru des finances publiques avec des sanctions plus dures à la clé.

Elle est censée être définitivement adoptée avant fin juin. Mais le Parlement européen et les gouvernements s'opposent sur les modalités de déclenchement des procédures de sanctions.

Le premier, qui vote mercredi sur ce paquet législatif juste avant l'ouverture d'un sommet européen à Bruxelles, veut des punitions aussi automatiques que possible.

Les seconds veulent garder une marge de manoeuvre politique.