Au moins 10 milliards d'euros d'aide internationale doivent être injectés «très rapidement» dans les banques irlandaises pour éviter que le système ne s'écroule face à des marchés de plus en plus nerveux, estimaient jeudi des experts.

La recapitalisation et la restructuration des banques irlandaises est au coeur des discussions en cours à Dublin sur les modalités de l'aide de l'Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI), dont le montant global devrait tourner autour de 85 milliards d'euros.

De l'avis général, les banques devront être les premières servies, dès un accord bouclé, car elles ne parviennent plus à financer leurs opérations sur les marchés alors qu'elles sont confrontées à une hémorragie de leurs dépôts.

«L'injection de capital dans ces banques est absolument nécessaire. L'urgence vient désormais du fait qu'elles sont totalement dépendantes de la Banque centrale européenne, et celle-ci a fait savoir qu'elle ne voulait plus que cela dure», a expliqué à l'AFP Marie Diron, conseillère économique pour le cabinet Ernst & Young.

Une urgence soulignée par le nouveau record établi jeudi par le taux des emprunts d'État irlandais à dix ans, qui a dépassé le seuil des 9%, signe que les marchés n'ont pas été convaincus par le plan d'austérité pourtant draconien dévoilé la veille par le gouvernement.

Mme Diron juge «crédible» le montant de 12 milliards d'euros avancé par le Financial Times pour ce nouvel apport aux banques. Il devra selon elle intervenir «très rapidement, si la pression des marchés continue».

Cette injection de fonds conduirait à la nationalisation de la quasi-totalité du secteur bancaire irlandais, où deux des trois principales banques du pays (Allied Irish Banks et Bank of Ireland) passeraient ainsi dans le giron de l'État.

La banque la plus en difficulté, l'Anglo Irish Bank, a été nationalisée dès le début 2009 et a déjà été renflouée à hauteur de plus de 30 milliards d'euros (soit presque 20% du PIB de l'Irlande).

L'agence de notation financière Moody's a estimé en début de semaine que les besoins actuels en capital des banques irlandaises se situaient dans une fourchette de 8 à 12 milliards d'euros.

Alan McQuaid, chef économiste du cabinet irlandais Bloxham Economics, table «sur le haut de la fourchette».

«Le sentiment à Dublin, c'est que tous les chiffres donnés jusqu'ici par les autorités étaient faux», systématiquement sous-estimés. «Ce sera donc plutôt plus que moins», assure-t-il, en notant lui aussi que la Banque centrale européenne donne des signes d'impatience.

Selon lui, les experts du FMI et de l'UE sont en «train d'examiner très soigneusement» les comptes des banques irlandaises pour tenter d'éviter les mauvaises surprises.

Mais les Européens n'ont pas les moyens d'attendre longtemps car, rappelle-t-il, «le problème irlandais est devenu celui de toute la zone euro».

Pour Marie Diron, la première aide d'urgence aux banques irlandaises ne suffira pas à assainir et à restructurer le secteur pour le faire repartir sur des bases saines. Sur l'enveloppe totale apportée par la communauté internationale, elle estime qu'environ 50 milliards d'euros serviront in fine au rétablissement les banques.

Car le pays est loin d'avoir réglé tous les excès de la folie immobilière qui s'était emparée de lui lorsqu'on l'appelait encore le «Tigre celtique»: selon la banque américaine Goldman Sachs, les pertes des banques irlandaises liées aux seuls prêts immobiliers non remboursés pourraient atteindre jusqu'à 58 milliards d'euros quand tous les comptes seront soldés. Soit plus du tiers de la richesse annuelle du pays.