La Grèce s'enfonce un peu plus profondément dans la récession, avec un PIB trimestriel en chute de 4,5% sur un an, de loin le plus mauvais des 27 pays de l'Union européenne (UE), qui donne à la crise grecque une allure de quasi-dépression.

Alors que les magasins ferment les uns après les autres à Athènes, que l'inflation et le chômage s'envolent, le pays, qui prévoit pour 2011 une troisième année consécutive de croissance négative, n'en finit pas d'aligner les mauvais indicateurs, malgré un relatif assainissement de ses finances budgétaires imposé par l'UE et le FMI.

Le décrochage est d'autant plus sévère que ces trois années noires interviennent après 13 ans de croissance ininterrompue, où la moyenne de hausse du PIB grec s'élevait à 3,7% par an.

Vendredi, en publiant les chiffres du troisième trimestre 2010, l'autorité des statistiques grecque (Esa) a noirci le tableau des deux trimestres précédents en affichant des contractions plus sévères du PIB qu'annoncées initialement: à -2,7% au premier trimestre (contre -2,5%) et à -4% au deuxième (contre -3,7%).

Par ailleurs, une série d'indicateurs publiés depuis le début de la semaine illustrent tous l'ampleur du ralentissement subi par le pays: chute de 7,1% de la production industrielle en septembre sur un an, hausse du chômage à un taux record (12,2%) en août. Les jeunes grecs sont les plus touchés, avec près du tiers de la génération des 15-24 ans non scolarisés, qui sont sans emploi.

Seule l'inflation a semblé marquer le pas en octobre, mais à un niveau très élevé, plus de double de la moyenne des pays de la zone euro (+5,2% sur un an contre +1,9% en moyenne dans les 16 pays de la zone euro).

Pour Dimitrios Maroulis, économiste à la banque Alpha, il s'agit bien de la «pire» récession traversée par la Grèce au cours de vingt dernières années.

La Grèce a enchaîné deux crises successives qui l'ont laminée, d'abord la crise financière internationale fin 2008, qui a conduit à une récession (-2%) en 2009, puis la fameuse «crise grecque» liée au poids de sa dette souveraine et de ses déficits, démarrée fin 2009, et toujours pas terminée, souligne-t-il.

«Les chiffres sont difficiles à digérer pour un des plus vieux pays de l'Union européenne», ajoute Jens Bastian, économiste à la Fondation hellénique pour les politiques européennes (Eliamep).

«Le sentiment de confiance dans l'économie aussi bien du côté des consommateurs que des aspirations des chefs d'entreprise, s'est considérablement détérioré», note M. Maroulis.

«Nous avons besoin de faire renaître la confiance afin que les consommateurs soient persuadés que le pays ne va pas à la faillite et recommencent à dépenser» ajoute-t-il en espérant que les réformes passées en 2010 (flexibilité du marché du travail, ouverture des professions fermées à la concurrence, etc.) allaient porter leur fruit en 2013.

Mais pour M. Bastian, les chiffres montrent plutôt «une accélération de la récession» qui n'a «pas encore atteint son point de non retour».

«Réalistement je crains une chute sévère de la consommation» au moment de Noël, ajoute-t-il, qualifiant la situation «d'inquiétante». Selon lui, les Grecs ont le sentiment que le gouvernement, qui se trouve de fait sous tutelle budgétaire de l'UE et du FMI depuis le prêt de 110 milliards d'euros accordé en mai, «ne leur dit pas tout».

A part la Chine et le Qatar, qui ont, selon lui, «les poches pleines», aucun investisseur étranger ne veut actuellement investir en Grèce, «ni même rester en Grèce», souligne M. Bastian.

Les industriels italiens, allemands et d'autres pays européens sont «en train de regarder comment ils pourraient quitter le pays».

Après la décision l'été dernier de la Fnac (France) de fermer ses magasins, les supermarchés Aldi (Allemagne) ont annoncé la fermeture de leurs succursales en Grèce. «Les résultats du troisième trimestre de Mercedes, comme de Puma sont tirés vers le bas par leurs activités en Grèce», note cet expert.