Une semaine avant le G20 de Séoul, l'Europe lance une nouvelle offensive en matière de régulation financière : elle envisage de durcir encore les obligations des agences de notation, mises en cause lors de la crise, en particulier quand elles évaluent la dette des États.

«En tirant les conséquences de la récente crise de la dette dans la zone euro, on constate que certains problèmes liés aux agences de notation doivent encore être réglés», a souligné la Commission européenne hier, en ouvrant une consultation publique sur le sujet.

Les notes attribuées par les grandes agences Standard and Poor's, Moody's et Fitch jouent un rôle crucial, car elles déterminent les taux d'intérêt auxquels un État ou une entreprise peut emprunter de l'argent sur les marchés.

Mais au printemps, la dégradation brutale des notes de pays comme la Grèce, le Portugal ou l'Espagne a accentué la panique des investisseurs et mis en danger la stabilité de l'ensemble de la zone euro.

«Étant donné l'importance et les spécificités des notations souveraines, il pourrait être justifié d'augmenter le niveau de transparence et d'ajouter des obligations spécifiques que les agences devraient respecter», estime Bruxelles dans son document de consultation, qui avance quelques pistes.

Les agences pourraient par exemple prévenir au moins trois jours à l'avance, contre 12 heures actuellement, les autorités du pays dont elles s'apprêtent à changer la note, et publier gratuitement l'intégralité de leurs rapports.

«Une meilleure information des investisseurs peut contribuer à une réaction plus équilibrée» sur les marchés, estime Bruxelles.

Pour éviter la prise en compte trop tardive de certaines difficultés et les dégradations brutales pouvant en découler, les notations souveraines pourraient aussi être revues obligatoirement au moins une fois par semestre.

Et les pays de l'UE ne devraient plus payer pour être notés. Cette pratique, très répandue, est en effet source de conflits d'intérêts.

Autre angle d'attaque : le manque de concurrence dans le secteur, dominé par un oligopole de trois grandes agences anglo-saxonnes.

Pour faciliter l'émergence d'un nouvel acteur, Bruxelles suggère de charger la BCE ou d'autres banques centrales de réaliser des notations ; de créer un réseau de petites agences européennes ; ou encore d'instaurer une nouvelle structure en partenariat privé/public.

La Commission aimerait aussi harmoniser les possibilités de recours contre les agences en cas d'erreur avérée.

Enfin, elle s'interroge sur les moyens de réduire la dépendance excessive envers leurs notations, souvent utilisées comme étalon pour déterminer la solidité des actifs des banques ou des stratégies d'investissement. Du coup, toute dégradation entraîne des ventes d'actifs automatiques, qui amplifient la volatilité sur les marchés.

Bruxelles s'inspirera des commentaires reçus d'ici au 7 janvier pour proposer de nouvelles lois, qui complèteront l'arsenal européen vis-à-vis d'un secteur déjà objet de beaucoup d'attentions.

Dès début décembre, les agences de notation auront besoin pour exercer dans l'UE d'une licence conditionnée à certaines règles de bonne conduite.

Et l'an prochain, elles devraient passer sous le contrôle direct d'une autorité pan-européenne dotée de pouvoirs d'enquête et de sanction renforcés, selon un texte que les Européens espèrent entériner d'ici à fin 2010.

L'UE espère que ces actions, ajoutées aux récents accords sur les fonds spéculatifs et la supervision financière, renforceront sa position au G20. La France en prend bientôt la présidence avec l'intention notamment de renforcer la régulation financière mondiale.