Le peu de résultats auxquels sont parvenus les ministres des Finances réunis à Washington a consacré la puissance économique et diplomatique de la Chine, capable de dire non au G7 qui réclamait un geste de sa part pour calmer les tensions de la «guerre des monnaies».

L'insistance des Etats-Unis et de l'Europe n'y aura rien fait: la Chine tient à aller à son rythme dans la réévaluation du yuan qu'elle a annoncée en juin.

«Nous faisons cela de manière progressive, plutôt que par une thérapie de choc», a tranché le gouverneur de la banque centrale de Chine, Zhou Xiaochuan.

Certains membres du Fonds monétaire international, dont les Etats-Unis, ont proposé de revoir la procédure qui permet de rappeler à l'ordre un pays dont la monnaie serait délibérément sous-évaluée. Mais la délégation chinoise est restée ferme: elle ne veut pas qu'on pointe du doigt tel ou tel pays.

En quatre mois, le yuan est monté de 2,4% face au dollar, après près de deux ans de quasi-immobilité. La Chine estime avoir fait des progrès notables puisque sa monnaie est à son plus haut depuis la dévaluation de 1994, mais les Etats-Unis, les Européens et les Japonais se disent insatisfaits.

Il était probablement trop tôt pour espérer un compromis, moins de deux semaines après l'expression de «guerre des changes» lancée par le Brésil, qui a dominé les travaux de l'assemblée annuelle du FMI en fin de semaine à Washington.

«On ne peut pas attendre de la Chine qu'elle fasse cela du jour au lendemain. Ils ont une économie de treize cent millions de personnes, et cela bouge très vite dans la bonne direction, cette direction étant une croissance moins tirée par les exportations», a affirmé, en présence de M. Zhou, le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn.

Ce dernier est bien placé pour mesurer la montée de la puissance d'un pays devenu l'usine du monde, et de plus en plus son créancier grâce à l'accumulation de ses excédents commerciaux.

Avec 9,6%, le FMI prévoit en 2011 une douzième année consécutive d'une croissance à plus de 8% pour la Chine. En une décennie, la taille de son économie a presque triplé. Selon les chiffres de l'institution, elle avait dans ses coffres fin juin près de 30% des réserves des Etats en devises étrangères, avec 2.447 milliards de dollars.

M. Zhou a minimisé la polémique sur le yuan, estimant qu'elle allait «s'estomper» quand la croissance des pays développés repartira, selon des propos rapportés par le magazine «Emerging Markets».

Voyant plus loin, l'économiste en chef du FMI Olivier Blanchard a souligné l'énorme potentiel du marché chinois, où, a-t-il relevé, les conditions salariales et sociales s'améliorent peu à peu.

«C'est une réforme fantastique. (...) Fournir une protection sociale, cela fait baisser l'épargne, cela augmente la consommation intérieure, cela diminuera les exportations chinoises, cela aidera les Etats-Unis: impossible d'y être défavorable», a-t-il affirmé lors d'un séminaire.

Mais ces effets mettent du temps à se faire ressentir, et le débat sur le système monétaire international a encore de beaux jours devant lui.

La France en a fait l'une des priorités de sa présidence du groupe des pays riches et émergents du G20, qu'il prendra en novembre. Les propositions concrètes du président Nicolas Sarkozy y sont très attendues.