«J'ai envoyé mon CV à des tas d'entreprises, et elles n'ont même pas la politesse de me répondre»: comme Liam, commercial de 49 ans, près d'un demi-million d'Irlandais sont au chômage et désespèrent de retrouver du travail, à cause de la crise qui ravage l'île depuis 2007.

Il y a trois ans, l'éclatement d'une bulle spéculative immobilière a plongé l'Irlande dans une profonde récession dont elle peine aujourd'hui à se remettre, avec de lourdes conséquences sociales, près d'un actif sur sept étant privé d'emploi.

Le chômage, Helen, documentaliste de 43 ans, en a aussi fait l'expérience ces dernières années, mais elle a aujourd'hui des problèmes d'un autre ordre.

Elle a acheté en 2006 avec un ami, juste avant l'effondrement du marché immobilier irlandais, un petit pavillon à un étage dans le quartier résidentiel de Cabra, près du centre de Dublin, pour 38 000 euros. Aujourd'hui, il en vaut à peine la moitié. Résultat, «vendre la maison est hors de question», car cela ne suffirait pas à rembourser l'emprunt qu'elle a contracté il y a quatre ans.

On ne compte plus également les couples ayant récemment divorcé, et qui se retrouvent forcés de continuer à cohabiter sous le même toit, faute de pouvoir céder leur maison.

D'autres Irlandais ont acheté, avant la crise, appartement ou maison au sein de «lotissements fantômes»: des logements vendus sur plans par des promoteurs, et qui, à cause de l'éclatement de la bulle immobilière, sont inachevés, ou dont seule une partie s'est vendue.

Le pays compterait environ 2.700 de ces «ghost estates», qui compteraient près de 100.000 logements. Ils pullulent souvent dans les banlieues des grandes villes, mais on les trouve aussi dans des régions rurales du centre et de l'ouest du pays où les terrains à bâtir étaient abondants et pas chers.

Certains élus ont avancé des suggestions plus ou moins farfelues pour les occuper, comme de les offrir à des étrangers d'origine irlandaise qui accepteraient de se réinstaller en Irlande.

Exemple parmi tant d'autres, Clancy Barracks, une ancienne caserne militaire située à une poignée de kilomètres du centre de Dublin, a été reconvertie en appartements de standing, avec vue sur la rivière Liffey.

Mais les élégants immeubles flambant neufs, achevés en début d'année sur une partie du site rebaptisé pompeusement «Clancy Quay», se dressent pour l'instant désespérément vides, à côté d'anciennes casernes de brique aux vitres sales, dont le réaménagement a été gelé.

Enfin, de nombreux habitants ont dû se résoudre à quitter l'île. Des immigrés d'abord, majoritairement polonais, qui étaient venus travailler principalement dans le bâtiment et se sont retrouvés sur le carreau.

Mais aussi des Irlandais de souche qui suivent ainsi, dans des conditions heureusement beaucoup moins dramatiques, les traces de leurs ancêtres partis s'installer dans le Nouveau Monde au XIXe siècle, à l'époque de la Grande Famine.

Le week-end dernier, un salon de l'expatriation organisé à Dublin a ainsi fait salle comble : plus de 5000 visiteurs étaient venus s'informer sur les possibilités de travailler dans des pays comme le Canada, l'Australie ou la Nouvelle-Zélande.

Un pas que pourrait sauter prochainement Michaela, croisée sur une des principales artères commerçantes de Dublin, qui vient juste de finir ses études et n'arrive à trouver que des «petits boulots» non payés. «Je viens juste de finir la fac et je ne sais pas ce que l'avenir me réserve. Pour trouver du travail, je devrai peut-être quitter l'Irlande et partir en Australie».