En France, le chômage est presque un passage obligé pour les jeunes.



Alexandra ne pouvait mieux tomber lorsqu'elle a décroché un poste de stagiaire photographe dans un quotidien parisien en 2005 après avoir terminé sa formation professionnelle.



«C'était à l'époque des émeutes en banlieue. Les photographes du journal ne voulaient pas y aller parce qu'ils avaient peur de se faire lancer des cailloux. Moi, j'ai sauté sur l'occasion», relate la jeune femme de 26 ans.

C'est avec dépit qu'elle constate ensuite que quelques-uns seulement de ses clichés sont publiés. «Les autres photographes ne voulaient pas que je leur fasse de l'ombre», souligne-t-elle.

Devenue travailleuse indépendante, elle a les mêmes difficultés à se faire un créneau en photoreportage et se voit contrainte de combiner sa passion avec des petits boulots de restauration et de peinture.

Après des années, elle accepte un travail «alimentaire» comme photographe d'articles pour un site de commerce en ligne. Jusqu'à ce que le faible salaire et l'absence de reconnaissance de ses employeurs la convainquent de partir.

Aujourd'hui au chômage, elle songe à tenter sa chance dans un autre pays, peut-être en Amérique du Sud. «Je n'ai pas de situation stable et je ne sais pas où je vais. C'est un problème», dit-elle, rieuse malgré tout.

Le parcours de la jeune Parisienne n'a rien d'exceptionnel puisque de plus en plus de jeunes, en France et ailleurs, doivent attendre des années avant de pouvoir espérer un emploi stable dans leur domaine d'intérêt.

Pour beaucoup, le chômage est devenu un passage presque obligé. Et la crise économique des dernières années a exacerbé les difficultés au point d'amener le Bureau international du travail à évoquer le risque d'une «génération perdue» dans un récent rapport.

L'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) avait aussi sonné l'alarme au printemps à ce sujet.

Dans les pays membres de l'organisation, le taux de chômage chez les jeunes de 18 à 25 ans a bondi de près de 6 points de pourcentage en quelques années comparativement à 2,5 points pour la population en général. Et il risque de demeurer élevé pendant encore longtemps.

Le sociologue français Laurent Muchielli souligne qu'en France, les victimes de la crise sont d'abord et avant tout les hommes de plus de 50 ans et les jeunes de moins de 25 ans, souvent confinés à des postes précaires. «Ils servent de variable d'ajustement aux entreprises en temps de crise», relève-t-il.

Dans certains quartiers sensibles, le taux de chômage des jeunes actifs - qui gravite à l'échelle nationale autour de 25% - dépasse les 50%.

Bien que la crise ait exacerbé le chômage chez les jeunes, elle ne vient, selon lui, que renforcer un problème structurel préexistant. «Les pays occidentaux sont sortis durablement du plein emploi. Les entreprises n'ont plus besoin de beaucoup de main-d'oeuvre moins qualifiée comme c'était le cas auparavant», souligne M. Muchielli.

Le système économique et politique permet, «avec froideur et cynisme», que des «dizaines de milliers de jeunes» s'ajoutent chaque année à la masse de travailleurs précaires, déclare l'analyste, qui plaide pour une nouvelle approche valorisant la création d'emplois et non seulement le profit.

Jean-Arnaud Munch, responsable des questions sociales à l'Union nationale des étudiants de France (UNEF), pense dans la même veine que la crise a simplement «accentué» les problèmes existants depuis des années.

«Il y a une période de bizutage social qui s'est installée. Avant, en France, on terminait sa formation, on faisait son service miliaire et voilà, on était un homme. Ce n'est plus le cas maintenant», souligne le porte-parole, qui dénonce la précarisation du marché du travail.

«La généralisation des stages, des postes d'intérim, des contrats à durée déterminée tire la société vers le bas» en contraignant des jeunes diplômés à accepter des postes pour lesquels ils sont surqualifiés, dit-il. Les personnes moins formées se retrouvent, elles, «au bout de la file» dans les bureaux de chômage.

Le gouvernement, pense M. Munch, devrait se doter d'une véritable «politique de l'emploi» qui encouragerait la création de postes de longue durée pour les jeunes. Il devrait par ailleurs leur fournir une aide financière à la sortie des études afin qu'ils puissent être soutenus pendant leur recherche d'emploi.

La récente introduction d'un «revenu de solidarité active» pour les jeunes - qui ne pouvaient auparavant obtenir une aide sociale de ce type avant l'âge de 25 ans - ne change rien parce que le programme est trop restrictif, dit le représentant de l'UNEF.

«C'est de la poudre aux yeux pour donner l'impression que le gouvernement fait quelque chose pour nous», souligne M. Munch, qui aimerait voir ses pairs libérés de «l'inquiétude» et de «la peur du lendemain».