Dette galopante en Californie, inquiétudes en Espagne et en Grande-Bretagne, crise en Grèce. À une semaine du Sommet du G20 de Toronto, les craintes liées à la reprise économique sont loin d'être apaisées dans plusieurs régions du monde. Nos correspondants font le point.

Les chefs d'État de l'Union européenne espéraient tenir hier à Bruxelles un sommet tourné vers l'avenir du continent, mais les problèmes du présent ont continué de s'imposer.

Bien que fonctionnaires et élus aient tenté d'éviter le sujet tout en multipliant dans les coulisses les commentaires rassurants, la situation de l'Espagne a largement mobilisé l'attention.

Des journaux allemand et espagnol ont alimenté l'inquiétude au sujet de ce pays en milieu de semaine en annonçant que le Fonds monétaire international et l'UE songeaient à mettre une ligne de crédit de 250 milliards d'euros à la disposition du gouvernement de Jose Luis Rodriguez Zapatero.

L'arrivée ce matin à Madrid du directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, pour une «simple réunion de travail» est venue amplifier les rumeurs, démenties énergiquement par Madrid et l'UE.

Les investisseurs s'inquiètent particulièrement de la situation des banques espagnoles, fortement affectées par l'éclatement de la bulle immobilière du pays.

Pour chercher à calmer les craintes, le gouverneur de la Banque d'Espagne a annoncé mercredi que les résultats des tests de résistance effectués sur ces institutions seraient rapidement rendus publics.

Il a assuré que les banques, les caisses et les coopératives du pays disposaient du «capital suffisant» pour faire face à de sévères conditions économiques.

L'initiative a trouvé un écho parmi les élus européens, qui entendent dévoiler en juillet les résultats des tests réalisés sur les principales banques du continent.

Craintes exagérées?

L'économiste Karel Lannoo, du Centre for European Policy Studies à Bruxelles, juge que les peurs relatives aux banques espagnoles, qui peinent à emprunter sur le marché interbancaire, sont exagérées. Tout comme les craintes sur la situation de l'Espagne elle-même.

Le pays, dit-il, a trop tardé pour mettre en place les mesures requises pour améliorer sa compétitivité et freiner la progression de son déficit «mais sa situation reste sans commune mesure avec celle de la Grèce».

M. Lannoo pense que les médias anglo-saxons accordent trop d'attention à la situation espagnole. «Ils ont besoin de victimes mais ils ne veulent pas regarder dans leur propre cour», souligne l'analyste, qui évoque la situation particulièrement préoccupante de la Grande-Bretagne.

En écho à l'analyse de l'économiste, le gouvernement espagnol a fait savoir hier qu'il avait réussi sans soucis à lever 3,48 milliards d'euros (4,4 milliards CAN) en obligations à 10 et 30 ans durant la journée. L'opération a suscité une forte demande, mais s'est faite à des taux élevés: à 4,911% pour le 10 ans et à 5,937% pour le 30 ans.

Bien qu'ils refusent de s'inquiéter officiellement de la situation espagnole, les élus européens ont répété à Bruxelles qu'ils entendaient accroître la «surveillance» budgétaire de l'UE sur les États membres, quitte à froisser quelques sensibilités nationales.

Ils ont aussi annoncé que les pays qui ne respecteraient pas le Pacte de stabilité s'exposeraient à des sanctions.

Nombre de pays de la zone euro multiplient les déclarations au sujet de leurs propres finances pour éviter d'être aspirés à leur tour dans le maelström des marchés.

La ministre de l'Économie française, Christine Lagarde, a notamment assuré que son gouvernement était déterminé à ramener son déficit à moins de 3% du PIB d'ici 2013.

«Il n'y a pas de doute sur le fait que la France respectera ses engagements», a-t-elle souligné en relevant que la réforme des régimes de retraite annoncée en milieu de semaine constituait un signal clair à ce sujet.

Presque tous les gouvernements de la zone ont annoncé récemment des mesures d'austérité pour tenter de résorber les déficits générés par la crise économique et le coût titanesque des plans de sauvetage des banques.

Selon le financier Georges Soros, les chefs d'État ont de sérieux soucis à se faire puisqu'il est probable, selon lui, que plusieurs pays retomberont rapidement en récession. La Grèce, soumise à de sévères compressions, prévoit déjà un recul de 4% de son PIB en 2010.

«C'est le véritable danger de la situation actuelle - en imposant la discipline fiscale à un moment où la demande est insuffisante et le système bancaire est faible... vous mettez en branle une spirale descendante», prévient M. Soros.

LE TAUX DES OBLIGATIONS DE 10 ANS

Allemagne 2,659%

France 3,087%

Espagne 4,911%

Portugal 5,572%

Grèce 9,030%