Un climat de peur s'est installé à Athènes. Le gouvernement, en pourparlers avec le FMI et l'Europe, est prêt à tout pour éviter la faillite. Les premières coupures annoncées cette semaine enragent les syndicats. Un mouvement de grève s'organise. Pendant ce temps, les jeunes cherchent à s'exiler ou à tout casser. L'été s'annonce chaud dans la capitale grecque.

Le centre-ville d'Athènes a triste mine ces jours-ci. Ses rues sont bondées, comme toujours. Mais ses magasins sont déserts. Près de l'université d'Athènes, des passants ralentissaient sans s'arrêter devant les vitrines jeudi, à l'heure de pointe.

Au magasin de chaussures Strantzali, trois employées discutaient les bras croisés. « La crise a déjà un gros impact sur nos ventes », explique Deseina Theritaki, une vendeuse.

Les affaires ne sont pas bonnes non plus pour Dimitri Polizos, un agent d'immeuble qui était attablé à un café. « Le marché est en baisse de 60%», soupire-t-il.

Les Grecs ont peur. Très peur. Leur avenir se joue depuis quelques jours au Parlement, où le gouvernement socialiste négocie avec la « troïka » : les représentants du FMI, de la Banque centrale européenne et de l'Union européenne.

Le plan d'aide n'est pas encore finalisé que déjà, la Grèce a promis des coupures douloureuses à ses bailleurs de fonds : augmentation de l'âge de la retraite de 53 à 67 ans, hausse de deux points de la taxe sur les biens et services et suppression des primes saisonnières équivalant à deux mois de salaire.

L'État doit économiser 24 milliards d'euros sur les deux prochaines années selon le Financial Times. L'objectif est de rabaisser le déficit du PIB de 14% à 4% à la fin 2011.

« C'est notre devoir patriotique de prendre ces décisions, peu importe le coût politique, a affirmé hier le premier ministre grec Georges Papandréou. Le coût de ne rien faire serait bien pire. »

Le gouvernement espère obtenir son premier prêt d'ici le 19 mai. Environ 45 milliards d'euros seraient déjà sur la table. Toutefois, les analystes sont d'avis que l'enveloppe d'aide totale pourrait atteindre 150 milliards pour les trois prochaines années.

À qui la faute?

Les fonctionnaires, qui représentent 13% de la population, écoperont. C'est le cas de Lionpra Magda. Son salaire mensuel a déjà été réduit de 1000 à 800 euros en janvier. Elle peine à joindre les deux bouts.

« Je m'achète moins de viande, je bois moins de cafés, dit la mère de famille de 45 ans. Je suis inquiète pour l'avenir de mes trois enfants. »

Chacun a son opinion sur le coupable. L'agent d'immobilier Dimitri Polizos en veut à l'Allemagne, qui doit essuyer 28% de la dette grecque à cause de son économie forte.

« Les Allemands racontent des mensonges sur nous, ils nous méprisent », dit le jeune homme aux cheveux gominés.

Nikos, un chauffeur d'autobus, blâme la corruption des politiciens « Pendant des années, ils ont bouffé notre argent. Je n'ai plus confiance en eux », dit l'homme qui préfère taire son patronyme.

D'ailleurs, les démonstrations devant les ministères sont presque quotidiennes. Encore jeudi soir, les forces policières ont repoussé 500 manifestants qui tentaient de pénétrer dans le ministère des Finances.

Une grande marche coïncidera aujourd'hui avec la Fête du travail. Toutefois, les syndicats misent sur la grève générale de mercredi prochain pour faire entendre leur colère.

« Tous nos acquis sont en train de s'effondrer, dit Vasilis Xenakis, porte-parole du grand syndicat ADEDY, la voix tremblante de rage. Si notre soi-disant gouvernement socialiste n'arrête pas ses coupures, il ne restera pas longtemps au pouvoir. »

Les jeunes adultes, incapables de se trouver un emploi, envisagent l'exil ou embrassent l'anarchisme, comme Foti Zontas. « Cette crise démontre l'échec du capitalisme, dit l'artiste de 30 ans. Quand je manifeste, j'ai envie de tout casser. »

Un conflit générationnel pourrait ankyloser la reprise, croit l'économiste Jens Bastian. « Si la Grèce ne convainc pas ses jeunes de rester au pays, elle perdra sa force vitale », dit le consultant du groupe de réflexion Eliamep.