En chute depuis six jours consécutifs, la livre sterling a clôturé hier à 1,4965$ US, contre 1,4991 la veille. Et ce n'est pas fini. «La livre va subir de sérieux coups», prédit Hans-Guenter Redeker, stratège des marchés monétaires chez BNP Paribas, à Londres. Elle pourrait chuter jusqu'à 1,20$ US avant la fin de l'année, croit-il. La devise britannique pousserait ainsi sa note la plus grave depuis 1985.

François Barrière, vice-président aux marchés internationaux à la Banque Laurentienne, est moins pessimiste. «Le sterling ne devrait pas remonter cette année, dit-il, mais de là à dire qu'il va baisser à 1,20$ US, c'est un peu exagéré.»

Il demeure que depuis deux mois, la livre a perdu 8% par rapport au dollar américain, la pire performance des 16 devises les plus transigées. Elle cède même du terrain à l'euro, qui subit pourtant l'effet des dettes excessives de l'Espagne, de l'Irlande, de l'Italie, et surtout de la Grèce, à laquelle certains commencent à comparer la fière Albion.

«Même contre un euro généralement faible, soutient Hans-Guenter Redeker, nous prévoyons que la livre va tendre vers 96 pence pour un euro», soit une livre à 1,0416. Elle a clôturé hier à 1,0994, alors qu'elle se transigeait encore à 1,1275 à la fin de l'année.

Depuis l'annonce, le mois dernier, que le budget britannique se dirigeait vers un déficit de 170 milliards de livres, on évoque même le risque souverain - le risque d'insolvabilité d'un État emprunteur. «Les gens sont de plus en plus inquiets à propos du niveau d'endettement», observe M. Redeker. «Ça semble une histoire connue, mais cette fois, le marché craint que le gouvernement soit forcé de faire une consolidation fiscale. L'économie britannique dépend à 48% du secteur public. Le secteur public va devoir faire des compressions, et l'impact sur l'économie sera significatif.»

La forte probabilité que Gordon Brown annonce des élections générales pour le 5 mai ajoute encore à la nervosité des marchés. En décembre, les sondages accordaient aux conservateurs de David Cameron une avance de 13 points dans les intentions de vote. Selon un sondage publié dimanche, la tendance s'est inversée en faveur des travaillistes de Gordon Brown, qui détiendraient maintenant une priorité de deux points. «Si le résultat est un gouvernement minoritaire travailliste, le marché va lui donner un vote de non-confiance», prédit le stratège de PNB Paribas.

«Il y a un troisième élément, de nature plus transactionnelle, ajoute Frédéric Mayrand, premier vice-président, responsable des ventes de change pour le Québec chez BNP Paribas. Des rumeurs couraient qu'il y avait un gros joueur sur le marché, mais ce n'est pas le genre de chose qu'on peut facilement vérifier.»

La situation rappelle les déboires de la livre en 1992. À la différence que cette fois-ci, la dégringolade s'étendra sur une pente plus douce. À l'époque, la livre sterling évoluait dans un régime de change lié, au sein du Système monétaire européen (SME), précurseur de l'euro. «Nous avons davantage de souplesse avec la devise, ce qui réduit quelque peu la pression», fait valoir Hans-Guenter Redeker.