L'assureur américain quasi-nationalisé AIG, qui envisageait encore récemment d'introduire en Bourse une partie de sa filiale asiatique AIA, a accepté de la vendre au britannique Prudential pour environ 35 milliards de dollars, a-t-on appris dimanche de source proche du dossier.

Cet accord, qui porte sur 100% d'AIA, le joyau d'AIG, et devrait être annoncé dans les prochains jours selon cette source, voire dès lundi, et devrait faire de Prudential le plus gros assureur mondial non-chinois par la capitalisation, devant Allianz et Axa notamment.

L'achat sera financé tout à la fois en numéraire, par une augmentation de capital de Prudential, et par une entrée minoritaire d'AIG au capital de Prudential, a encore indiqué cette source.

Le directeur général de Prudential, le franco-ivoirien Tidjane Thiam, arrivé à la tête du groupe en octobre et qui ne s'est jamais caché de vouloir poursuivre l'expansion de celui-ci en Asie, s'est rendu à New-York en fin de semaine.

Il est parvenu à convaincre le conseil d'administration d'AIG de lui céder AIA, qui devait être partiellement introduite à la Bourse de Hong Kong au printemps, pour un rapport estimé à quelque 10 milliards de dollars. Sept banques conseil avaient même été désignées pour cette opération, qui aurait été la plus grosse introduction en Bourse mondiale pour 2010.

Les actionnaires de Prudential, de leur côté, ont réservé un accueil très positif aux projets du groupe britannique, selon la même source, d'autant que ce dernier n'envisage aucune cession pour financer son achat. Le Sunday Telegraph avait laissé entendre dimanche que le groupe britannique Resolution recherchait un accord avec Prudential pour lui racheter ses activités britanniques.

AIG, qui a lourdement souffert de la crise en raison d'une très grande exposition aux produits dérivés, a reçu plus de 170 milliards de dollars d'aide fédérale depuis un an et demi, se trouvant ainsi nationalisé à 80%, et a déjà été contraint de céder des actifs.

Dès 2008, il avait cherché à vendre jusqu'à 49% des parts d'AIA via un processus d'enchères, mais avait dû y renoncer faute d'offres suffisantes, se tournant alors vers une introduction en Bourse.

Vendredi, l'assureur américain a dû annoncer être repassé dans le rouge au dernier trimestre 2009, avec des pertes pires qu'attendu, principalement en raison de la réduction de sa dette envers la Réserve fédérale de New York. Le groupe avait connu une perte astronomique de 99,2 milliards de dollars en 2008.

Quant à Prudential, le groupe sera transfiguré par un tel accord, qui va doubler sa taille. Sa capitalisation est d'environ 23 milliards de dollars actuellement. Le groupe fondé en 1848 s'était déjà largement implanté en Asie sous la direction du précédent patron Mark Tucker.

Malgré une solide présence au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, les ventes asiatiques représentent déjà la moitié des nouveaux contrats, en Chine et à Hong Kong mais aussi en Inde, en Indonésie, en Malaisie, en Thaïlande ou au Vietnam.

Ce rachat est également un excellent coup pour M. Thiam, ancien élève de Polytechnique et des Mines. Il était entré en 2002 chez Aviva, le principal concurrent de Prudential, où il a terminé comme directeur général pour l'Europe avant de partir en 2008 comme directeur financier de Prudential puis d'en prendre la direction l'an dernier.

Il a récemment évoqué publiquement sa «frustration» d'avoir dû «s'exiler à Londres», face au «plafond de verre parfaitement invisible mais ô combien réel» qu'il dit avoir rencontré en France en raison de son origine africaine.

Il est l'un des deux patrons français du Footsie-100, l'indice vedette de la Bourse de Londres, avec Xavier Rolet, le directeur général du London Stock Exchange, la Bourse de Londres elle-même.