L'irruption du géant italien de la confiserie Ferrero, qui possède les marques Nutella et Kinder, dans la bataille pour le rachat du britannique Cadbury marque un virage à 180 degrés dans la stratégie de cette firme familiale toujours restée à l'écart des acquisitions.

Réagissant à des informations de presse indiquant notamment qu'il songeait à faire une offre commune avec l'américain Hershey, Ferrero a révélé mercredi qu'il était «au stade préliminaire d'une évaluation de ses options» par rapport à Cadbury, qui a déjà rejeté une offre hostile de l'américain Kraft Foods le valorisant à 11 milliards d'euros.

«Il ne peut y avoir de certitude qu'une proposition concernant Cadbury suivra», a ajouté, prudemment, le groupe italien.

Hershey a également confirmé son intérêt mais aucun des deux groupes ne fait d'allusion à l'autre dans son communiqué.

«Ferrero est un groupe qui a une vision industrielle très forte, qui s'est  toujours développé de façon interne», l'intérêt exprimé pour Cadbury «est donc un changement de stratégie très important», a confirmé à l'AFP Umberto Bertelè, président de l'école de commerce de l'Institut Polytechnique de Milan.

La saga Ferrero a commencé dans les années 40 dans la région du Piémont.

Pietro Ferrero, pâtissier à Alba, a l'idée d'utiliser des noisettes afin de remplacer le chocolat, trop cher, pour faire de la pâte à tartiner: «la» Nutella, comme on l'appelle en Italie, voit le jour.

«Nutella arrive sur le marché comme un produit pauvre, substituant le chocolat. Les Italiens venaient de perdre la guerre, la situation était difficile. Mais il s'est transformé en produit à part entière» et est devenu l'une des poules aux oeufs d'or du groupe, a souligné M. Bertelè.

Ferrero Rocher, Kinder, Tic-Tac, Mon Chéri: le groupe a connu une expansion tous azimuts, ouvrant des usines à l'étranger, sous la baguette du fils de Pietro, Michele, qui a pris les commandes en 1957.

L'entreprise, qui est très secrète, n'a jamais franchi la porte d'entrée de la Bourse de Milan et est entièrement détenue par la famille. C'est désormais un des géants du secteur: son chiffre d'affaires a atteint 6,2 milliards d'euros lors de l'exercice 2007-2008, soit une croissance de 8,2% sur un an.

Elle dispose de 14 usines dans le monde et emploie plus de 21 600 personnes.

Une entreprise qui fait la fortune des Ferrero: selon l'édition 2009 du classement du magazine Forbes, Michele Ferrero est l'homme le plus riche d'Italie, avec un patrimoine estimé à 9,5 milliards de dollars, devant le chef du gouvernement Silvio Berlusconi. Au niveau mondial, il occupe la 40e place.

Mais alors que le patriarche Michele est âgé de plus de 80 ans, ce changement de stratégie pourrait justement bien être «un avant-goût du futur», du nouveau cap suivi par ses fils Pietro et Giovanni qui l'ont remplacé à la tête du groupe depuis plusieurs années, selon Umberto Bertelè.

Michele est d'ailleurs toujours opposé à toute acquisition mais ses fils «savent bien que cette opération pourrait être la dernière occasion pour franchir le pas décisif», assure le quotidien économique Il Sole 24 Ore.

«La partie est entre les mains des Ferrero. La ligne de la prudence vaincra-t-elle ou bien celle d'une courageuse (mais pour certains hardie) croissance internationale avec une grande acquisition ?», s'interroge Il Sole.